29/05/2023
27/05/2023
Pourquoi encore une fois faire mémoire de la geste de sainte Jeanne d’Arc ? Pourquoi si ce n’est parce que le temps que nous vivons exige de nous des choix et une détermination dont Jeanne demeure pour nous, catholiques français, l’exemple magnifique ? Mais aussi parce que cet exemple est porteur d’un message, on pourrait même dire d’une doctrine théologique sur l’ordre politique. En quoi celle-ci est-elle plus que jamais d’actualité ?
Notre régime politique ne cesse de progresser dans la transgression de la loi naturelle. Ce terme désigne l’ensemble des préceptes que la raison pratique énonce concernant les biens essentiels vers lesquels l’être humain est incliné de par sa nature. La loi naturelle constitue ainsi les principes premiers de la justice. Or à l’aune d’un tel critère, on ne peut que déplorer aujourd’hui la négation de biens constitutifs de la vie commune. Jugeons-en.
Le projet de constitutionnalisation d’une prétendue « liberté » d’avorter vient bafouer le respect de ces êtres humains innocents que sont les enfants à naître. Le projet tendant à légaliser un prétendu « droit » à être assisté dans son désir de suicide subvertit diaboliquement le devoir de bienveillance envers une personne en fin de vie. Enfin, la validation en décembre dernier par le Conseil d’Etat de la loi remettant en cause la responsabilité des parents à pourvoir à l’instruction de leurs enfants nie, sous le prétexte fallacieux de la lutte contre le « séparatisme », le droit naturel le plus élémentaire. Notre régime politique est à la fois autoritaire et libertaire. Au nom de la lutte contre toutes sortes de « phobies » dont seraient victime des « minorités », il s’immisce toujours plus dans la société civile pour imposer une anthropologie nihiliste. Il est devenu le meilleur agent de promotion de la déconstruction anarchiste des années 1970. Est-ce un gauchissement d’un projet à l’origine sain ou bien l’épanouissement d’une logique ayant sa racine dans ses principes premiers ?
Nous assistons à la radicalisation de ce qui était en germe dans le refus par la philosophie politique moderne de reconnaître que le pouvoir politique ne peut recevoir son autorité que de Dieu. Ce qui le fonde dans sa légitimité mais aussi lui fixe des limites intangibles. En déclarant que le pouvoir politique n’est que l’expression d’un peuple « souverain », notre régime a de fait décidé que la liberté humaine est la mesure du bien, réduite à une revendication illimitée de droits et d’intérêts individuels.
Au cœur de la mission de Jeanne, il y a bien sûr la levée du siège d’Orléans et le sacre de Charles VII à Reims, mais il y a aussi un acte que l’on ne peut sous-estimer : la donation par le roi du royaume de France à Dieu. Lors du procès en nullité, le duc d’Alençon, témoin oculaire d’une rencontre entre Jeanne et le roi le 26 février 1429, dit ceci : « Alors Jeanne adressa plusieurs requêtes au roi, et entre autres pour qu’il donnât son royaume au Roi des cieux : après cette donation le Roi des cieux agirait comme il l’avait fait pour ses prédécesseurs, et le remettrait dans son état antérieur. » Jeanne confirme à Charles qu’il est bien le roi légitime et non pas un bâtard déshérité par le traité de Troyes. Comme le dit l’abbé Jacques Olivier : « Le salut du royaume est dans le seul recours à Dieu qui en fixe la condition : la donation du royaume lui-même. Ce don fait à Dieu, à la demande de Jeanne, alors héraut de Dieu, est une reconnaissance libre et une acceptation volontaire par le roi, en son nom et au nom du peuple qu’il représente, de l’autorité légitime de Dieu sur son royaume, comme sur toute société humaine. (…) Jeanne demande au dauphin qu’il comprenne intimement qu’au-delà d’une royauté théorique, Dieu veut régner concrètement sur la France par son intermédiaire. C’est la condition nécessaire pour que Dieu remette le royaume dans son état antérieur[1] ».
Puisse l’espérance de Jeanne inspirer notre prière et notre action pour que Dieu n’abandonne pas notre pays où il y a encore « grande pitié » [2].
Thibaud Collin, philosophe.
[1] Le prophétisme politique et ecclésial de Jeanne d’Arc, Le Cerf, 2021, p. 356-357
[2] Une neuvaine de jours est organisée par Jeanne2031 du 22 au 30 mai. Pour s’y inscrire : https://hozana.org/communaute/11547- neuvaine-a-jeanne-d-arc-pour-la-france
18/05/2023
Ni le motu proprio Traditionis custodes, ni même le rescrit publié le 21 février 2023 restreignant l’usage du rite tridentin auquel Notre-Dame de Chrétienté est attachée, ne semblent freiner les fidèles. Au contraire, les pèlerins marchant de Notre-Dame de Paris à Notre-Dame de Chartes à la Pentecôte 2023 n’auront jamais été aussi nombreux.
« Du jamais vu ! » se réjouit Odile Téqui, responsable de la communication de Notre-Dame de Chrétienté. L’association, qui a fêté l’année dernière ses 40 ans, attire de plus en plus de pèlerins. Si depuis sept ans, les rangs grossissent de 10% chaque année, comme l’expliquait l’année dernière Jean de Tauriers, le président de l’association, 2023 affiche une augmentation de 33%, contraignant les organisateurs à clore les inscriptions quinze jours avant le pèlerinage. 16.000 pèlerins s’apprêtent à rallier Chartres les 27, 28, 29 mai prochains, alors qu’ils étaient 12.000 l’année dernière.
Si le nombre de prêtres et de religieux (300 personnes) et de pèlerins étrangers (1.400 provenant de 21 pays différents) reste stable, ce sont surtout les adultes (10.000) et les familles qui viennent gonfler la colonne de pèlerins, dont la moyenne d’âge s’élève cette année à 20,5 ans. Et cela est sans compter le chapitre des « Anges gardiens », pèlerins non marcheurs qui s’unissent spirituellement au pèlerinage, qui passent de 5.000 à 6.000 cette année.
« Une participation totalement historique », constate Odile Téqui. « La liturgie traditionnelle semble répondre à une soif – peut être accrue ces derniers temps – de transcendance, de catéchisme consistant, de calme et de profondeur. Les nouveaux convertis ou les reconvertis qui viennent au pèlerinage témoignent aussi de la réalité joyeuse et accueillante qu’ils y trouvent », confie-t-elle à Aleteia.
17/05/2023
Les récits des Évangiles et des Actes dévoilent diverses réactions des apôtres. Saint Marc insiste sur leur zèle missionnaire[1]. Saint Luc, quant à lui, retient deux notes dans l’attitude spirituelle des apôtres : la prière et la joie. « Pour eux, s’étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le Temple à louer Dieu[2] ».
Là où l’on attendrait de la tristesse, de l’abattement, du découragement peut-être, les disciples sont remplis de joie. Voilà qui est bien mystérieux : la joie, nous le savons, naît lorsque nous sommes en présence du bien aimé. La présence de l’être aimé nous réjouit ; son absence cause la tristesse, l’expérience du deuil nous le rappelle, parfois cruellement. La joie des apôtres après l’Ascension est donc une joie paradoxale : joie du départ, joie de l’absence. Tâchons d’entrer dans le mystère de cette joie. Nous répondrons ainsi au vœu de Jésus : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète[3] ».
La première source de la joie des apôtres, c’est la joie du Christ. Savoir un ami dans la joie nous rend heureux, quand bien même nous sommes privés de sa présence. Les parents se réjouissent de voir leurs enfants quitter la maison pour fonder un foyer, ou, séparation plus radicale encore, répondre à une vocation religieuse ou sacerdotale. La tristesse de la séparation est compensée par le bonheur de les voir se conformer joyeusement à la volonté de Dieu.
En montant au ciel, Jésus prive les apôtres de sa présence sensible, mais c’est pour achever la geste de l’Incarnation : « Je suis sorti d’auprès du Père et venu dans le monde. De nouveau je quitte le monde et je vais vers le Père[4] ». Ces deux étapes : l’incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge Marie, et sa sortie du monde à l’Ascension, reflètent la relation éternelle entre le Père et le Fils : de toute éternité, le Verbe est engendré du Père, et de tout éternité il retourne dans le sein du Père. Cette attitude filiale : se recevoir du père et retourner au père, Jésus la communique à son humanité. À l’Ascension, Jésus, l’homme Dieu, retourne au Père. Le Christ, avec son corps et son âme, quitte notre monde de changement, de corruption, de mort, pour entrer pleinement dans la joie de Dieu. Voilà la première joie des apôtres : savoir que leur maître et leur ami, dont ils ont partagé la vie pendant trois ans, a atteint le terme de sa destinée et repose dans la joie, dans la maison de son Père[5].
Les apôtres se souviennent aussi de la parole que Jésus leur avait dite avant sa Passion, et qu’ils avaient eu tant de mal à comprendre : « Et quand je serai allé [dans la maison de mon Père] et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez[6] ». À la lumière du mystère de l’Ascension, l’obscurité de ces paroles se dissipe. Elles offrent aux apôtres un deuxième motif de se réjouir : la certitude, s’ils sont fidèles, de retrouver Jésus, et de vivre avec lui dans la maison de son Père, pour l’éternité. C’est la joie de l’espérance, la joie qui naît à la perspective de partager avec le Christ la joie de Dieu.
Peut-être les apôtres espéraient-ils qu’ils n’auraient pas trop à attendre : leurs regards fixés sur le ciel le laissent supposer. Des anges viennent les détromper : le retour du Christ n’est pas pour tout de suite[7]. Pourtant, les disciples ne se sentent pas abandonnés. Ils sont sûrs que le ressuscité est maintenant présent au milieu d’eux d’une manière nouvelle, et cette certitude est la troisième source de leur joie – et c’est aussi la nôtre : Jésus ne nous a-t-il pas dit qu’il est la vigne dont nous sommes les sarments[8] ? Ne nous a-t-il pas assurés qu’il serait avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde[9]?
Certes, la présence de Jésus parmi les hommes est désormais discrète, cachée. Elle se réalise dans le secret de chacune de nos âmes, par la grâce sanctifiante. Nous ne pouvons pas toucher Jésus avec nos mains de chair, mais nous pouvons l’atteindre de façon plus profonde encore, par nos actes de foi et de charité. Y a-t-il une joie plus profonde que ce contact vivifiant avec Jésus présent à l’intime de nos cœurs ? Pourquoi alors sommes-nous si réticents à venir l’y trouver ? Jésus n’est pas loin de nous ; c’est nous qui bien souvent sommes loin de Lui. Nous ressemblons à des sarments qui veulent se séparer de la vigne, nous refusons de voir couler dans les veines de notre âme la sève de la grâce. Tous ces refus, ce sont nos péchés : quand je pèche, je refuse ou je méprise la présence de Jésus dans mon cœur, et par le fait même, je refuse la joie attachée à cette présence. Qu’elle est vraie cette parole : il n’y a qu’une tristesse, c’est de ne pas être des saints. Car « la joie est un signe de la grâce » (Benoît XVI).
Il est encore un quatrième motif de se réjouir, plus subtil. Petit à petit, si nous sommes fidèles, la grâce vient envahir notre espace intérieur, elle évangélise tous les recoins de notre cœur. Le résultat de ce travail lent et silencieux est une conformation toujours plus grande au Christ, jusqu’à pouvoir dire, avec saint Paul : « ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi[10] ».
Ce qui se ressemble s’assemble, comme on dit plaisamment. Plus nous ressemblons à Jésus, plus nous serons à même de nous laisser attirer par lui. Il nous l’a promis : « Moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi[11] ». Ces paroles s’appliquent à l’Ascension, bien sûr, mais aussi à la crucifixion. « L’élévation sur la croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au ciel[12] ». Si nous acceptons de nous laisser attirer par Jésus, nous serons conduits, immanquablement, sur la voie de la croix. Pour vivre avec le Christ dans sa gloire, il faut d’abord être cloué, avec lui, sur la croix. Notre propre ascension est un chemin avec le crucifié. C’est la joie de la croix : « Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux[13] ».
Peu de temps après l’Ascension, il est donné aux apôtres de mettre en pratique cette béatitude : après avoir été arrêtés et battus de verges par les Sanhédrites, les apôtres s’en retournent, nous rapporte saint Luc, « tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom de Jésus[14] ». Cette joie dépasse les forces humaines, elle est un fruit de l’Esprit-Saint, que les apôtres avaient reçu quelques jours auparavant. Savons-nous, nous aussi, souffrir joyeusement pour le Nom de Jésus ? Nous n’aurons peut-être pas à témoigner de notre foi jusqu’à verser notre sang pour le Christ – encore que cette éventualité se fasse chaque jour plus plausible. Mais apprenons, dès aujourd’hui, à aimer les croix, petites et grandes, qui se plantent dans notre cœur. Parce qu’elle nous unit à Jésus, la croix est source de joie.
Joie de la joie de Jésus, joie de l’espérance, joie de la présence, joie de la croix. Telles sont les quatre joies des apôtres en ce jour de l’Ascension, telles sont aussi les nôtres. Oui, « aujourd’hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui[15] ».
15/05/2023
Le silence est le début de la sagesse et le bavardage, source de bien des maux.
“À trop parler on n’évite pas le péché : qui tient sa langue est bien avisé.” (Proverbes 10, 19)
“ Qui surveille ses lèvres garde son âme, qui ouvre trop le bec court au désastre.” (Proverbes 13,3)
“Qui garde sa bouche et sa langue se garde lui-même de bien des angoisses.” (Proverbes 21, 23)
Le sage parle à bon escient ; en nous taisant, nous pouvons au moins l’imiter :
“S’il se tait, même un sot passe pour sage ; bien malin, celui qui ne dit mot !” (Proverbes 17, 28)
“Qui sait tenir sa langue a du discernement ; qui garde son sang-froid est homme de réflexion.” (Proverbes 17, 27)
“ L’insensé à toute heure exprime ses humeurs, le sage a du recul et les tempère.” (Proverbes 29, 11)
A l’heure des réseaux sociaux, des commentaires, des témoignages, des avis demandés sur tout et en toutes choses, prenons le temps de nous taire. De faire silence. La Bible nous l’enseigne, le silence n’est pas absence mais un espace où la rencontre peut se faire, avec Dieu, avec l’autre, avec soi. Chut …
Alice Ollivier pour Hozana.org