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Dimanche des Rameaux

02/04/2023

Dimanche des Rameaux

Si donc, ainsi que j'avais commencé à le dire, on considère à la fois la marche et la passion de Jésus-Christ, on le voit d'un côté, glorieux et élevé, de l'autre humble et couvert de chagrins. Dans la procession, on le voit entouré d'honneur comme un roi, dans la passion, puni comme un malfaiteur. Là, le triomphe et la pompe l'entourent, ici il n'y a ni éclat ni beauté. Joie des hommes et objet de l'enthousiasme populaire, il est d'un autre côté l'opprobre des humains et le rebut de la populace. Ici on l’acclame : « Hosanna au Fils de David, béni soit celui qui vient, roi d'Israël (Matth. XXI, 9), » là, on hurle : « Il est digne de mort (Joan. XIX, 7), » et on lui reproche d'avoir voulu se faire passer pour roi d'Israël. Ici, on marche à sa rencontre en tenant des rameaux à la main, là, on lui donne des coups de poing à la figure et on frappe sa tête d'un roseau. Entouré d'hommages d'une part, il est rassasié d'opprobres d'une autre. Ici, à l'envi, on couvre son chemin des vêtements d'autrui, là il est dépouillé même des siens. Ici, il est accueilli à Jérusalem comme un roi juste, comme un libérateur, là il est chassé comme un criminel et un séducteur convaincu. D'un côté, il est assis sur un âne, entouré d'hommages, d'un autre, il est suspendu au bois de la croix, battu de verges, tout percé de plaies et abandonné des siens.

 

Il y a ici mieux que Job, (Job. V,) puisque Dieu a soudainement et grandement changé pour lui tout en mal. « Vous avez entendu parler de la patience de Job, » dit l'apôtre saint Jacques (Jac. V, 11), « vous avez vu la fin du Seigneur. » C'est comme si cet apôtre disait : la patience de Job dura jusqu'à ce que les richesses qu'il avait perdues lui fussent rendues, les souffrances du Seigneur sont allées jusqu'à la fin de sa vie. Job souffrit patiemment d'être privé de ses biens, mais bientôt il en reçut le double dans son pays : Jésus-Christ quitta ce monde rempli de misères et abreuvé d'amertumes. C'est pourquoi il y a ici mieux que Job, précipité une fois et soudain d'une félicité qui paraissait souveraine, atteignit au terme de son extrême et terrible infortune. « Et j'ai souffert tous ces maux, » dit-il « sans que mes mains aient commis l'iniquité, lorsque j'adressais de pieuses prières au Seigneur (Job. XVI, 18) », même pour mes ennemis, afin qu’il leur pardonnent.

 

 

(…)

5. Aussi, mes frères, afin de suivre sans nous blesser notre chef, soit dans la bonne soit dans la mauvaise fortune, considérons-le dans ce cortège entouré d'honneurs, et, dans sa passion, soumis aux souffrances et aux opprobres, sans changer jamais au fond dans un si grand changement de choses, bien qu'il ait changé son visage devant Abimélech, c'est-à-dire le royaume des Juifs. L'Écriture dit de cette immobilité d'âme : « L'homme saint demeure dans la sagesse comme le soleil, car le sot change comme la lune (Eccl. XXVII, 12). » Un autre passage dit du changement de son visage : « La sagesse de l'homme luit sur sa face, et le fort changera ses traits (Eccl. VIII, 1). »

 

Toujours et à grands traits, ô Seigneur Jésus, la sagesse éclate sur votre visage, quelque changé qu'il paraisse, soit glorieux, soit humilié : la lumière éternelle en fait jaillir ses lueurs. Plaise au ciel que la lumière de votre visage luise sur nous ! soit dans les événements heureux, soit dans les malheurs, que votre visage soit modeste, serein et tout épanoui de lumière intérieure qui vient du cœur : joyeux et agréable pour les justes, bon et clément pour les pénitents. Contemplez, mes frères, le visage de ce roi très calme. « La vie est dans l'hilarité du visage du roi, » s'écrie l'Écriture (Prov. XVI, 15), « et sa clémence est comme la pluie de l'arrière-saison. » Il regarde notre premier père qu'il venait de façonner, et, bientôt animé, Adam respire le souffle de vie (Gen. 1) : « Il regarda Pierre, et bientôt, Pierre, touché de componction, respire et reçoit son pardon (Luc. XXII, 61). » En effet, dès que le Seigneur eût jeté les yeux sur saint Pierre, Pierre reçut la pluie de l'arrière-saison, les larmes après le péché, larmes tombées de la clémence d'un visage très-bon.

La lueur de votre visage, ô lumière éternelle, au témoignage de Job, ne tombe pas sur la terre (Job. XXIX, 24). Quel rapport y a-t-il, en effet, entre la lumière et les ténèbres (II Cor. VI, 14) ? Que bien plutôt les âmes des fidèles reçoivent ses rayons, et qu'ils réjouissent ceux dont la conscience est bonne et guérissent ceux qui l'ont blessée. Oui, le visage de Jésus triomphant, tel qu'il faut le considérer dans cette procession, est joie et allégresse : le visage de Jésus mourant, tel qu'il le faut considérer en sa passion, est remède et salut. « Ceux qui vous craignent me verront, dit-il, et se réjouiront (Psal. CXVIII, 74) : » ceux qui souffrent me verront et seront guéris, comme le furent ceux qui, après avoir été piqués des serpents, regardèrent le serpent attaché au bois. Pour vous, joie et salut de tous, monté sur un âne ou suspendu sur le bois, que les vœux de tous vous bénissent, afin que vous contemplant assis sur votre trône, ils vous louent aux siècles des siècles, vous, à qui soit la louange et l'honneur dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

Source: Yves Daoudal

Le sacré sauvera le monde

31/03/2023

Le sacré sauvera le monde

Vous opérez dans votre livre une défense de la messe tridentine, ce rite catholique traditionnel en latin d’avant la réforme conciliaire, défense qui en a surpris plus d’un…

 

Le problème c’est que l’on veut tout rendre horizontal, banaliser les choses, les rendre ordinaires, jusqu’à la fonction présidentielle, que certains ont très fortement contribué à désacraliser. Aujourd’hui cette fonction s’entoure dans le meilleur des cas d’une certaine solennité, mais plus de sacralité. C’est étonnant de voir que cette tentation touche aussi l’Église catholique… J’ai assisté une fois à une célébration de la messe selon le rite traditionnel : ça n’est pas ma culture, mais j’ai eu d’abord une émotion esthétique qui m’a interpellée. Je ne dis pas que ça va forcément remplir les églises, mais cette liturgie tridentine, pour moi elle appartient à un socle et à un patrimoine liturgique. Je ne la connaissais pas, mais mon premier réflexe a été de me dire qu’il fallait vraiment la préserver, la sanctuariser et la défendre. Je me suis toujours intéressée à la vie de l’Eglise, et j’ai l’impression que ce qui se joue avec les attaques dont ce rite fait l’objet, c’est un peu la continuation de Vatican II, avec cette tentation, jusque dans l’Eglise, de déboulonner le sacré, la transcendance. Or j’ai plutôt le sentiment que c’est un trésor qu’il faudrait préserver.

 

C’est d’autant plus beau de vous voir défendre ce trésor que vous n’êtes pas catholique, et que les intellectuels catholiques ne se bousculent pas pour le faire, comme s’ils avaient peur d’enfreindre un tabou… On voit bien, d’ailleurs, à l’occasion de la sortie de votre livre, comment certains essayent de vous “extrême-droitiser” parce que vous osez faire l’éloge de la messe en latin, et même de la tradition ou du conservatisme…

 

Mais qu’est-ce qu’être conservateur ? c’est vouloir que certaines choses demeurent. Mais je trouve qu’il n’y a rien de plus moderne ! J’aime citer cette devise des chartreux, qu’on trouve inscrite sur leurs bouteilles de liqueur, la Chartreuse, qui dit cela merveilleusement : « La croix demeure tandis que le monde tourne » — et puisque nous parlions de latin, voici l’expression latine : « Stat crux dum volvitur orbis »

 

Au-delà de la liturgie, ne pensez-vous pas que l’Eglise elle-même, par un discours très horizontal sur des sujets qui sont essentiellement des sujets politiques et humains – écologie, migrants, vaccins – concoure parfois à l’occultation du sacré ?

 

Oui, je le pense. On fait l’erreur de croire qu’avec le plain-pied, l’horizontal, on va donner accès plus facilement au sacré. Moi je crois que c’est exactement l’inverse : c’est la verticalité qui permet ce raccordement, cette reconnexion au sacré. Je ne veux pas désigner un responsable à cela, mais il me semble que le pape François, tout de même, a sa part de responsabilité : le pape ne peut pas être une ONG ambulante, et c’est parfois le cas. On a parfois l’impression en l’écoutant de voir un plateau de télévision où défilent tous les sujets sociétaux. Je ne dis pas que ce n’est pas important et que ce n’est pas son rôle d’évoquer certains sujets, mais son discours est parfois tellement désacralisé, en connexion avec une actualité et une immédiateté totales, que ça ne correspond pas à ce qu’on attend de lui. En tout cas, moi qui suis de culture et de religion musulmane, je n’attends pas ça du pape, et j’imagine que c’est encore plus le cas pour les catholiques. Pendant la crise du covid, il y a à l’évidence une occasion qui a été ratée de faire entendre un autre discours, plus spirituel, en réaction à une rupture anthropologique sans précédent, je le répète, dont on ne mesure pas encore les conséquences à long terme.

 

Notre-Dame des douleurs

31/03/2023

Notre-Dame des douleurs

Sur le Calvaire, deux autels étaient dressés : la Croix et le Cœur Immaculé de Marie [1]. Par sa cruelle Compassion, Notre Dame a souffert dans son Cœur tout ce que Notre Seigneur a souffert pendant sa Passion. « La douleur éprouvée par cette tendre Mère dans la Passion de son Fils fut si grande, qu’elle seule put compatir dignement à la mort d’un Dieu fait homme pour l’amour des hommes [2]». « Le Cœur de Marie devint, par la Compassion qu’elle portait à son Fils, une espèce de miroir de Ses douleurs, dans lequel on voyait représentés tous les supplices et tous les outrages que Jésus-Christ souffrait [3]». Elle a ainsi mérité le titre de Co-rédemptrice en s’associant à l’œuvre de la Rédemption. Et « comme nulle créature n’a aimé Dieu autant que Marie, il n’y a jamais eu de douleur égale à celle de Marie [4] ».

 

 

  • « Seriez-vous insensibles, vous tous qui passez par le chemin ? Regardez et voyez s’il y a une douleur comme la mienne [5] ».
  • « Sa souffrance est grande comme la mer [6] ».
  • « La douleur de Marie fut telle que, si on la partageait entre tous les hommes, elle suffirait pour les faire mourir tous à l’instant » (saint Bernardin de Sienne).
  • « Les martyrs ont souffert en sacrifiant leur propre vie, au lieu que Marie souffrit en sacrifiant à Dieu la vie de son Fils, qu’elle aimait beaucoup plus que sa propre vie » (saint Antonin).

Une des causes principales de la Passion de Notre-Seigneur fut l’inutilité de son Sang pour beaucoup d’âmes, lesquelles se retourneront même contre lui. Marie a souffert dans son Cœur un semblable tourment, d’où la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois.

 

La douleur du Cœur de Marie est à la mesure de son immense amour pour Dieu et pour nos âmes, qu’elle a enfantées à la grâce au pied de la Croix : « fils, voici ta Mère [7] ». Contemplons, quelques instants, la charité incomparable de notre Mère, telle que les saints l’ont comprise et nous aurons quelque idée de ce que nous lui avons coûté :

  • « Il eût été en quelque sorte peu digne de Dieu d’imposer un précepte que personne n’aurait accompli parfaitement ; le grand précepte de la charité a donc dû être pleinement observé par quelqu’un, et il n’a pu l’être que par la Très Sainte Vierge Marie » (saint Albert-le-Grand).
  • « Elle est la Reine de l’amour » (saint François de Sales).
  • « Notre Dame surpasse en charité tous les anges et tous les hommes » (saint Bernardin).
  • « Les séraphins eux-mêmes auraient pu descendre du Ciel pour apprendre à l’école du Cœur de Marie comment aimer Dieu » (Richard de Saint-Victor).
  • « Dans le Cœur de Marie, deux amours se trouvaient réunis en un seul : elle aimait Jésus d’un amour naturel comme son fils, et d’amour surnaturel comme son Dieu » (bienheureux Amédée).
  • « Elle est le feu portant le feu » (saint Alphonse de Ligori).
  • « Comme les mouches s’éloignent d’un grand feu, ainsi les démons étaient repoussés loin de ce Cœur tout flamboyant de charité, et n’osaient même pas s’en approcher » (saint Bernardin de Sienne).
  • « Marie enflamme et rend semblable à Elle-même tous ceux qui L’aiment et qui L’approchent » (saint Bonaventure).
  • « L’amour divin blessa, transperça le Cœur de Marie jusqu’à sa dernière fibre. Aussi accomplit-Elle le premier commandement dans toute son étendue et sans la moindre imperfection » (saint Bernard).
  • « La Vierge Marie a aimé les hommes au point de sacrifier pour eux son Fils unique ; et maintenant qu’Elle règne dans le Ciel, sa Charité n’est point diminuée mais augmentée de beaucoup parce qu’Elle connaît mieux nos misères » (saint Thomas d’Aquin).

Aussi la liturgie nous invite-t-elle à une immense confiance en son Cœur Immaculé : « Adeamus cum fiducia », approchons-nous avec assurance du Trône de la grâce afin d’obtenir miséricorde et de trouver la faveur d’un secours opportun [8].

 

Notes de bas de page

  1. Sœur Lucie contempla ce mystère à Tuy, en juin 1929.[]
  2. R.P. Pinamonti, cité par saint Alphonse de Ligori.[]
  3. Saint Laurent Justinien.[]
  4. Richard de Saint-Victor.[]
  5. Lamentations 1, 12.[]
  6. Lamentations, 2, 13.[]
  7. Jean 19, 27. L’apôtre bien-aimé nous représentait au pied de la Croix quand il entendit ces paroles de Notre-Seigneur crucifié.[]
  8. Introït de la Messe du Cœur Immaculé de Marie, au 22 août, instituée par Pie XII en 1942. Le 2 décembre 1940, Sœur Lucie lui écrivait : Très Saint Père, permettez-moi de vous faire encore une demande. C’est là seulement un désir ardent de mon pauvre cœur : que la fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie soit instituée au monde entier comme l’une des principales fêtes de la sainte Église.[]

    Abbé Bertrand Labouche

Vladimir Poutine prend régulièrement le conseil des moines

29/03/2023

Vladimir Poutine prend régulièrement le conseil des moines

"Regardez ce qu’ils font à leur propre peuple. Il s’agit de la destruction de la famille, de l’identité culturelle et nationale, de la perversion et de l’abus des enfants, y compris la pédophilie, toutes choses qui sont déclarées normales dans leur vie. Ils obligent les prêtres à bénir les mariages homosexuels. Tout de bon, qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Voici ce que je voudrais dire à ce sujet. Les personnes adultes peuvent faire ce qu’elles veulent. En Russie, nous l’avons toujours vu ainsi et nous le verrons toujours : personne ne s’immisce dans la vie privée des autres, et nous ne le ferons pas non plus.

 

Mais voici ce que je voudrais leur dire : regardez les saintes écritures et les principaux livres des autres religions du monde. Ils disent tout, y compris que la famille est l’union d’un homme et d’une femme, mais ces textes sacrés sont aujourd’hui remis en question. L’Église anglicane aurait l’intention d’explorer l’idée d’un dieu non sexiste. Qu’y a-t-il à dire ? Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.

 

Des millions de personnes en Occident se rendent compte qu’elles sont conduites à un désastre spirituel. Franchement, l’élite semble être devenue folle, et il semble qu’il n’y ait pas de remède à cela. Mais comme je l’ai dit, ce sont leurs problèmes, tandis que nous devons protéger nos enfants, ce que nous ferons. Nous protégerons nos enfants de la dégradation et de la dégénérescence."


Discours sur l'état de la Nation du 21/02/23

 

 

Or nous avons retrouvé une information du Salon Beige (1er mai 2014) qui nous dit ceci :

"Vladimir Poutine éprouve une profonde fascination pour le monastère de Valam, situé sur une île très isolée en Carélie, à la frontière finlandaise. Haut lieu de la spiritualité orthodoxe, le président russe s’y rend régulièrement pour obtenir le conseil des moines dans ce que le président russe considère comme une bataille entre la Russie chrétienne et les forces diaboliques qui se sont emparés de l’Ouest.

Ces informations sont à mettre en parallèle avec le récent discors de D. Trump (voir notre post du 25/03/23).


Ci-dessous photos de V. Poutine au monastère de Valaam

 

 

Photos de la revue Méthode consacrant un article intéressant au monastère

Le voilement des croix est une invitation pressante à la conversion

27/03/2023

Le voilement des croix est une invitation pressante à la conversion

Extraits choisis par le Salon Beige :


[…] De façon plus convaincante, certains auteurs insistent sur la pédagogie liturgique. En masquant la croix durant le temps de la Passion, pour la dévoiler solennellement le Vendredi saint, l’Église invite les fidèles à se représenter que le salut tout entier découle du supplice du Calvaire. Pour cette raison aussi, le voilement des statues et tableaux met en scène ce moment où le Christ n’a pas encore ouvert les portes du Ciel.

 

Cette disposition est sans doute à rapprocher du transfert des fêtes solennelles du temps de la Passion à celui de la Résurrection. La date de Pâques étant mobile, il se peut par exemple que la fête de l’Annonciation intervienne en ces semaines. Elle est alors transférée après Pâques.

 

À la cérémonie du Vendredi saint, les fidèles viennent adorer la croix que le prêtre a dévoilée – au sens étymologique où, après la génuflexion, ils baisent le pied du crucifix, en hommage royal au Christ qui rétabli l’ordre divin des choses en mourant sur le bois qui est aussi l’instrument de son règne.

 

Un signe pour les catéchumènes et les pénitents

Pour cette raison sans doute, certains rattachent-ils le voilement et dévoilement solennel de la croix au cycle de la liturgie baptismale, et à l’initiation progressive des catéchumènes de l’année aux mystères divin.

D’autres encore insistent davantage sur le lien historique avec la pénitence publique. Les pécheurs publics étant éloignés de l’église du mercredi des Cendres au Jeudi saint, on aurait eu l’idée, à l’abolition de la pénitence publique, de séparer les fidèles des sanctuaires par un voile violet, pour rappeler à tous la nécessité de la conversion du cœur pour s’approcher du saint sacrifice.

Quoiqu’il en soit de la chronologie selon laquelle ce fait du culte à la croix s’est répandu, il est lourd de sens.

 

Évocation du mystère

Le voilement de croix est une méditation en acte sur le mystère de la foi et de l’infidélité. Dans la mort du Calvaire se manifeste la sagesse de Dieu, auquel les esprits incrédules ou révoltés sont imperméables, jusqu’à détester de haine mortelle l’amour divin fait homme. Le voilement des croix évoque la nécessité de convertir le regard d’homme en regard surnaturel, et met théâtralement en scène que le rétablissement de l’ordre du cosmos ébranlé par le péché consiste à faire toutes choses nouvelles, par l’octroi d’une vie nouvelle qui coule du côté du Christ.

Le renouvellement annuel de ces cérémonies, rappelle aussi au chrétien qu’il marche en ce monde dans le temps de la foi, c’est-à-dire celui de la nuit et du mystère, ou plutôt de la pénombre, dans laquelle il faut marcher à la suite du Christ.

Or s’approcher du Christ nécessite de faire la vérité sur soi, c’est-à-dire d’accepter une lumière divine qui n’est pas évidente.

 

Conversion et compassion

En voilant sombrement les figures du Christ et des saints, l’Église s’associe à la peine du Christ dans les temps précédents la Passion. La liturgie prépare en fait depuis la dernière semaine du Carême la proclamation des passions de l’évangile par l’évocation de plus en plus pressante de l’isolement du Christ devant le mensonge et l’infidélité.

Le Christ qui se retire « tout seul sur la montagne » après la multiplication des pains (évangile du 4e dimanche de Carême), qui ne peut se fier à ceux qui confessent son nom, parce qu’il « sait ce qu’il y a dans l’homme » (évangile du lundi), qui est seul à connaître d’où il vient (évangiles du mardi et du mercredi), et que finalement l’incrédulité chasse à coup de pierres (évangile du 1er dimanche de la Passion), que l’on cherche et que l’on ne trouve pas (lundi de la Passion), etc.

 

Nous nous souvenons alors que, de notre cœur aussi, le Seigneur sait de quoi il est fait. Le voilement des croix, qui précède l’adoration du Vendredi saint, est donc une invitation pressante à la conversion.

 

Il nous rappelle que sur la croix le Christ était seul, pour porter chacun d’entre les pécheurs. Pour cette raison, le voilement des croix est en même temps une exhortation à la compassion, à pleurer avec le Christ qui a pleuré seul sur la vanité, la légèreté et la corruption silencieuse de Jérusalem, qui a pleuré seul sur nos péchés.

 

Le sacrifice du Calvaire, acte rédempteur

Le voilement simultané des croix et des statues et autres images de saints, qui quant à elles ne seront dévoilées qu’à la Résurrection, à l’issue de la vigile pascale, rappelle aussi que sans le sacrifice du Christ, nulle vie sainte n’est possible, ni en ce monde ni dans l’autre. La mort du Calvaire est source de toutes les grâces.

 

Directement ou par prétérition, le voilement des croix au temps de la Passion constitue une illustration et un rappel de cette parole de l’apôtre saint Paul : « Je n’ai pas jugé, écrit ce dernier aux Corinthiens, que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus, et Jésus crucifié. »