Le blog du Temps de l'Immaculée.
20/01/2025
Lors d’un conclave pour élire le pape, l’Esprit Saint assiste les cardinaux, sans exclure leur libre arbitre, pour que le nouveau souverain pontife soit véritablement l’élu de Dieu. Au moins une fois dans l’histoire de l’Église, l’Esprit Saint s’est manifesté avec une clarté déroutante, en provoquant l’élection la plus inattendue qui soit, et finalement la meilleure. C’était le 10 janvier 236.
Les raisons d'y croire
Le 2 janvier 236, lorsque le pape Anthère meurt au terme d’un pontificat de quarante-deux jours, les chrétiens sont la cible de l’empereur Maximin Ier, qui les tient pour responsables des nombreux problèmes de l’Empire. Il se montre particulièrement impitoyable avec la chrétienté de Rome. Dans ces conditions, coiffer la tiare assure de finir entre les mains du bourreau, sort qui n’attire pas grand monde.
À l’époque, et pour longtemps encore, il n’y a ni conclave ni collège de cardinaux électeurs ; ce sont les fidèles qui font le pape, par acclamation. L’avantage de cette pratique est que, l’élection étant publique, il y aura beaucoup de gens à même de témoigner des événements et de ces circonstances assez particulières.
Mais, en ce temps de persécutions, il n’y a tout bonnement pas de candidat ; ou ceux qui se présentent ne font pas l’unanimité, de sorte que le siège de Pierre est vacant depuis une pleine semaine, et cela ne semble pas s’arranger.
Comme tout baptisé est électeur, les Romains chrétiens peuvent facilement venir voir où en est le scrutin et prendre part au vote. C’est ce que fait, ce 10 janvier, un patricien du nom de Fabien, qui appartient à l’une des grandes familles de Rome et qui, laïc, ne représente pas un candidat éventuel.
Fabien se mêle à la foule massée dans la salle où se déroule le scrutin. Constatant, au bout d’un moment, qu’aucun pape ne sera élu ce jour-là, il s’apprête à sortir lorsque, par l’oculus de la pièce, entre une colombe qui, déconcertée par le bruit et la foule, volette en se cognant aux murs.
Un grand silence se fait ; tous regardent l’oiseau qui est le symbole du Saint Esprit tel qu’il s’est manifesté au bord du Jourdain lors du baptême de Jésus par Jean. Même s’ils savent qu’il s’agit d’un véritable oiseau, et non d’une apparition, ils comprennent aussi que l’arrivée de cette colombe est un signe du Ciel.
Cette réaction est conforme aux façons de faire de la société romaine, même christianisée, qui perçoit des signes et des symboles dans des événements en apparence anodins. L’histoire est donc vraisemblable et ne relève pas de la fable pieuse.
D’ailleurs, elle nous a été transmise par l’un des témoins les plus fiables qui soit, le patriarche de Carthage, saint Cyprien, qui rappellera l’incident dans sa correspondance après le martyre de Fabien, le 20 janvier 251. Or, Cyprien, en liaison constante avec Rome, est très bien informé de tout ce qui s’y passe et n’accorderait pas de crédit à une simple rumeur.
Après avoir tourné plusieurs fois dans la salle à la recherche d’une issue, l’oiseau se pose sur l’épaule de Fabien. Ce signe est interprété comme une manifestation de la volonté de Dieu, et l’assistance crie aussitôt : « Il en est digne » – formule d’acclamation qui salue l’élection du pape. Même s’il est abasourdi de l’aventure, Fabien accepte de devenir le successeur de Pierre.
Les archéologues ont retrouvé dans une catacombe supposée avoir été le théâtre de l’élection miraculeuse une fresque contemporaine des faits représentant la colombe au-dessus de la tête de Fabien, assis sur la chaire de Pierre. Cette image prouve que l’histoire était connue et admise de tous, y compris des autorités religieuses dès le IIIe siècle.
Il faut que l’événement soit authentique et indiscutable pour que l’on ait entériné la volonté divine ainsi manifestée et fait de Fabien le dix-neuvième successeur de Pierre. En effet, Fabien est un laïc, ce qui contraint l’Église à l’ordonner prêtre en catastrophe.
Cela implique aussi que Fabien ait abandonné sa vie d’autrefois, peut-être quitté une famille ou renoncé aux avantages de sa position sociale pour s’occuper de l’Église du Christ, avec tous les risques attachés à la charge. Nul ne le ferait sans la profonde conviction de ne pouvoir se dérober à son devoir et à la volonté de Dieu.
Suite sur 1000 raisons de croire
Auteur : Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.