Le blog du Temps de l'Immaculée.
15/01/2025
L' évêque néerlandais Robert Mutsaerts est une voix qui dérange dans l’Eglise. Il tient un blog régulièrement mis à jour dont est extrait cette dernière réflexion (qui rejoint celle d’un autre prélat, suisse, celui-là, Mgr Eleganti), relayé par le blog de Sabino Pacciola:
« Alors que les jeunes sont en quête de sens, de pardon et de vérité, à Rome, on parle de synodalité, de changement climatique, de diversité… »
Notre Dame a été ressuscitée dans toute sa splendeur et sa gloire. Grâce à Dieu, car à l’origine, les projets étaient très différents. D’accord, il y a eu quelques ratés – un autel minimaliste en bronze curieusement conçu qui détonne avec la grandeur de la cathédrale, des sièges en métal, des fonts baptismaux qui ne ressemblent pas à des fonts baptismaux, une chasuble de chœur qui semblait empruntée à un clown, et des calices étranges – mais l’ensemble est d’une grande beauté.
Les cérémonies liturgiques entourant la réouverture de Notre-Dame ont elles aussi été dignes. Elles permettent aux fidèles de s’élever au-dessus du banal pour atteindre le surnaturel. C’est ce dernier qui est si nécessaire à notre époque, où tout doit être compréhensible. Le latin serait incompréhensible et ennuyeux. Le sacré a cédé la place à l’interpersonnel.
Mais comment en est-on arrivé à ce que nous voyons aujourd’hui dans les églises : des drapeaux arc-en-ciel, des activistes LGTB qui dansent autour de l’autel, des groupes de second ordre qui jouent des airs pop, des sermons qui sont en fait des expressions du politiquement correct. Pourquoi le beau et le vrai ont-ils cédé la place à la laideur et aux opinions ? Des bâtiments laids, des murs blanchis à la chaux, l’iconoclasme et des spectacles mal joués qui devraient passer pour de la liturgie. Les bancs d’agenouillement et les bancs de communion ont été supprimés. Le mystère, le sacré, le surnaturel devaient céder la place à la platitude horizontale.
À Notre-Dame, j’ai vu le respect de la Tradition, j’ai entendu les chants célestes des enfants, j’ai détecté la faim de transcendance. Le Christ était à nouveau au centre.
Je vois l’aspiration à cela chez ceux que l’on appelle les nouveaux catholiques, sur lesquels je reviendrai dans un instant.
Mais cela n’a pas encore pénétré à Rome. Là-bas, ils sont préoccupés par le nouveau mot à la mode, la synodalité. Si seulement nous devenons synodaux, l’Église redeviendra attrayante, l’Église aura à nouveau un avenir, c’est l’opinion qui prévaut. Si seulement nous écoutons, oui, tout sera différent. Les gens donnent l’impression que les pasteurs ne les ont jamais écoutés au cours des 2000 dernières années. On fait croire que l’Esprit Saint est endormi depuis 2000 ans.
Je vois autre chose. C’est précisément l’esprit de l’ère sécularisée moderne qui a conquis les gens. Les dirigeants de l’Église sont comme Démas qui a abandonné Paul par amour pour le monde séculier [ndt: référence à la 2e lettre de Paul à Timothée, 4: 09-10 – « Efforce-toi de me rejoindre au plus vite, car Démas m’a abandonné par amour de ce monde, et il est parti pour Thessalonique ». Merci à JL pour la précision]. Comme Judas qui croyait que l’argent dépensé pour Jésus était mieux dépensé pour les pauvres. Pour les plus libéraux, c’est bien vu. Ils ressemblent à ceux qui réclament Barabbas, l’activiste qui poursuivait une utopie mondaine. Ils disent : nous prenons les choses en main. Jésus, lui, a fait la volonté du Père et a choisi la croix. Cela a semblé être un échec, mais la croix elle-même a apporté la rédemption.
Pourquoi les gens ont-ils abandonné l’Église au cours des soixante dernières années ? Parce que l’Église les a abandonnés. L’Église a égaré le peuple de l’Église.
Oui, dit l’Église, nous défendons l’environnement, le changement climatique, la diversité, les pauvres, etc. Et l’on insiste davantage sur cela que sur la liturgie digne, le caractère sacré, l’appel à la conversion et la priorité donnée au salut de l’âme.
Les gens oublient que c’est précisément ce qui nourrit le peuple pour qu’il commence réellement à accomplir les œuvres de miséricorde. Mère Teresa, Peerke Donders, Saint François, le Père Damien n’auraient jamais fait ce qu’ils ont fait s’ils ne s’étaient pas nourris des sacrements, de la prière, de l’adoration eucharistique et du rosaire. Non, ils n’ont pas laissé la politique ou les institutions s’en charger. Mère Teresa était très claire à ce sujet : « Si les gens ne changent pas, les structures ne changeront pas non plus ».
Depuis les années 1960, l’Église a rendu la foi ridicule, ne nommant pas l’essentiel et n’en corrigeant nulle part les déraillements. Regardez les abus liturgiques qui sévissent. Lors des messes de confirmation, je suis régulièrement épouvanté par des chorales qui ne chantent que des chansons du Top 2000. Il m’est arrivé une fois de voir la chorale accompagnée d’un groupe assourdissant chanter uniquement des chansons de Bruce Springsteen. « Because the Night Belongs to Lovers» était la chanson du sacrifice. À la fin de la messe, j’étais certain que nous ne reverrions jamais ces confirmands à l’église. Lors d’une autre messe de confirmation (Nijmegen), le prêtre a refusé la communion à un confirmand qui voulait recevoir la communion sur la langue. En fait, c’est très clérical : ce prêtre fait ses propres règles et les impose aux fidèles.
C’est le problème de l’Église depuis Vatican II : l’Église n’enseigne pas ce que l’Évangile enseigne. Nous avons peur de proclamer des opinions catholiques. Quel pasteur parle encore du salut des âmes, des fins dernières, du pardon des péchés ? Au contraire, nous prenons nos distances. Nous nous excusons pour le confrère individuel qui prie dans une clinique d’avortement. Nous soutenons la décision du conseil d’administration d’une école catholique romaine (Limbourg) qui a refusé à des sœurs l’accès à l’école parce que ces sœurs ne mentionnaient qu’une seule variante lorsqu’il s’agissait du sacrement du mariage : homme/femme.
Il n’est pas étonnant que l’Église ait disparu. Qu’est-ce que nous représentons encore ? Le pape interdit la messe traditionnelle en latin à Chartres et à Notre-Dame et, la même semaine, inscrit un pèlerinage LGTB au programme de l’Année sainte. Nous aspirons certainement à la « liberté et à la joie », mais dans la pratique, cela semble déboucher sur la débauche et le mécontentement.
Nous avons besoin de normes et de valeurs communes. D’où viennent-elles? Des normes et des valeurs qui s’appliquent à tous et à tout moment. Oui, il existe LA vérité qui s’applique à tous. Et oui, nous pouvons la connaître. Socrate, Platon et Aristote le savaient déjà. Cette loi naturelle a une origine surnaturelle que le monde séculier ne connaît pas.
Que s’est-il passé après Vatican II ? Les gens ont entamé un dialogue avec le monde. Ce n’est pas déraisonnable. Mais qu’ont-ils fait ? Ils ont temporairement mis la vérité de la foi catholique entre parenthèses afin d’entrer en dialogue avec la modernité.
Ce qui a finalement conduit à une adhésion totale au monde séculier. L’Église était tellement désireuse de démontrer sa conformité avec le monde qu’elle a complètement perdu son identité. Elle en est venue à la conclusion que l’Esprit Saint était tout aussi, voire plus, à l’œuvre dans le monde séculier que dans l’Église elle-même. On est même allé jusqu’à minimiser, voire nier, les vérités intemporelles de l’Église. On a dit qu’il s’agissait de simples fantaisies de thomistes et d’autres théologiens dépassés. Cela s’est traduit par une traduction complètement horizontale de l’Évangile. La métaphysique a été abandonnée et l’accent a été mis sur la communauté.
La conséquence a été une liturgie plate, dans laquelle le péché et le pardon n’avaient plus leur place. La faute est rejetée sur les autres. C’est aux structures de changer. Le mea culpa est devenu tua culpa, parce que bon, ça va, ce n’est pas ma faute. Le caractère sacré est devenu méconnaissable. On ne croit plus en la realis presentia. C’est devenu un symbole, rien de plus. La présence de Jésus est en nous, pas dans le pain et le vin.
L’eucharistie a été reléguée au rang de repas. D’où l’invitation faite à Jan et à tous de recevoir l’hostie, distribuée par Flip et Loulou en jeans assortis. Pas à genoux et sur la langue, bien sûr. C’est juste un symbole. Jésus s’est aussi assis à la table des pécheurs, non? (En fait, non. Seuls les apôtres étaient présents lors de la dernière Cène. Jésus a explicitement établi un lien entre cette dernière cène et le sacrifice sur la croix le lendemain). En fait, pourquoi ne célébrer que des messes quand on peut aussi offrir des services WC? [sic!] Flip et Loulou peuvent très bien s’en charger.
Il devait être question de justice sociale, de soupes populaires, d’action. Oui, surtout d’action. Nous nous élevons contre la discrimination et le racisme, nous participons au débat social sur le changement climatique. Nous sommes manifestement inclusifs et diversifiés et nous brandissons le drapeau arc-en-ciel. Bien entendu, nous ne parlons pas de l’avortement, de l’euthanasie et de la mutilation des transsexuels. La distinction entre le sacré et le profane a complètement disparu.
Les jeunes, en particulier, l’ont immanquablement senti. Si la liturgie est un fouillis incohérent, si vous n’êtes pas mis au défi de vivre votre vie différemment, où le pardon et le péché sont des mots interdits, qu’en avez-vous àfaire ? Une bonne liturgie, la clarté et la cordialité font toute la différence.
Les jeunes cherchent des réponses à leurs questions. Et nous les avons. Des réponses raisonnables. Fides quaerens intellectum [« la foi cherche l’intelligence »], vous vous souvenez ? Ce que l’Église doit faire, c’est remettre l’accent sur le sacré, comme étant d’un autre ordre, plus élevé. C’est pourquoi nous avons des lieux sacrés, une liturgie sacrée, des bâtiments consacrés uniquement au culte et à la dévotion. C’est pourquoi nous avons un langage sacré dans la liturgie, à distinguer du langage quotidien.
Par ailleurs, le fait d’ignorer le surnaturel a aussi pour conséquence de réduire le naturel à un contenu plat et vide de sens. La disparition de la religion dans la société se fait également au détriment du séculier. Qui s’intéresse à la religion dépouillée du sacré ? Personne. C’est tout simplement ennuyeux. Une liturgie plate n’est qu’une mauvaise pièce de théâtre au scénario bizarre jouée par des acteurs de seconde zone. Il n’est pas étonnant que les jeunes qui ont faim de sens, de pardon et de vérité ne soient pas du tout intéressés par Laudato Si, Fiducia Supplicans et la Synodalité.
Les paroisses et les diocèses qui s’intéressent à ces questions n’attirent pas les jeunes. Où les trouve-t-on : dans les paroisses où les choses sont simplement traditionnelles, où la messe reste la messe, où le sacré est mis en avant, où la liturgie est clairement distincte du profane. C’est là que l’on découvre quelque chose que l’on ne connaissait pas auparavant. C’est un mouvement vers la beauté, la vérité, le sacré, vers la dévotion, vers des lieux où l’on offre le sacrement de la confession, où l’on prie le rosaire.
Là, je vois des familles, là, je vois des jeunes, là, je vois l’avenir de l’Église.
C’est beau.
+Rob Mutsaerts
Source : le blog de Mgr Mutsaerts vitaminexp.blogspot.com via Benoit et moi