Le blog du Temps de l'Immaculée.

"Alors, tu es roi ?"

28/12/2024

"Alors, tu es roi ?"

Si tant de théologiens ont peur d’affirmer la royauté sociale du Christ, c’est qu’ils voient le pouvoir comme le conçoivent Machiavel, Hobbes ou Rousseau

De Thibaud Collin dans L’Appel de Chartres :

 

S’il est un sujet qui divise les catholiques aujourd’hui, c’est paradoxalement celui du titre de roi donné à Jésus-Christ. On peut en voir un signe dans un article publié le 24 novembre 2024 par l’hebdomadaire Famille chrétienne intitulé « Solennité du Christ Roi : le royaume de Dieu est-il d’actualité ? » La journaliste s’appuyant sur deux ouvrages publiés cette année, celui du prêtre assomptionniste et journaliste Dominique Lang Alors, tu es roi ? (L’Escargot) et celui du prêtre diocésain du Havre enseignant à la faculté (jésuite) Loyola (Paris) Maintenant, le Royaume (DDB).

 

Il convient de revenir sur les assertions de cet article tant il reflète l’air ecclésial ambiant sur un tel sujet. Il permet de repérer les présupposés et les raccourcis du traitement de cette doctrine. Tout d’abord la doctrine enseignée par Pie XI dans son encyclique Quas primas (1925) est réduite à son contexte historique et reste marquée, selon le Père Lang, par l’ambiguïté de croire que « tous nos problèmes politiques seront résolus le jour où le Christ prendra le pouvoir ou lorsque tous les rois ou tous les gouvernements politiques actuels accepteront la royauté du Christ ». Cette croyance entretiendrait le malentendu que Jésus serait venu « rétablir la royauté en Israël ». On reste pantois devant de telles erreurs de lecture (si tant est que l’encyclique ait été réellement lue) ! Pie XI manifeste au contraire très bien que Jésus n’est pas roi à la manière du monde et ne tire pas sa royauté de celui-ci mais qu’en tant que Créateur et Sauveur, il est le Législateur suprême du monde humain. Récriminer devant une telle vérité dogmatique à l’heure où nos sociétés postchrétiennes s’enfoncent dans le nihilisme sociétal en confirmant, hélas, la pertinence de cette doctrine relève de la cécité. Notre hypothèse est que celle-ci repose sur l’acceptation d’un présupposé : une conception moderne du politique. Si, en effet, tant de théologiens ont peur d’affirmer la royauté sociale du Christ, c’est qu’ils voient le pouvoir comme le conçoivent Machiavel, Hobbes ou Rousseau. Or il est bien évident que le Christ n’a pas à « prendre le pouvoir » identifié à une force de coercition permettant de faire vivre ensemble des individus égoïstes mus par leurs seuls intérêts et désirs. La politique au sens noble et vrai du terme est le service du bien commun, dont la clef de voûte est la justice. Celle-ci a pour mesure les droits et les devoirs que le Créateur a inscrits dans la nature humaine.

 

Voyant que le Christ ne peut être politique au sens moderne du terme, ils en concluent que le royaume du Christ ne peut s’identifier qu’à sa faiblesse et qu’il consiste exclusivement dans l’engagement envers les pauvres. Ils restent ainsi enfermés dans une dialectique stérile glorification/ misérabilisme, au lieu de prendre de la hauteur et comprendre que le moyen principal de combattre l’injustice dont les pauvres sont effectivement les premières victimes est au contraire une conversion des cœurs et des structures sociales et politiques ; les deux dimensions, personnelle et collective, étant distinctes mais inséparables. Loin donc que cette doctrine soit datée, elle est d’une parfaite actualité et d’ailleurs… continue à être enseignée par le Magistère récent ! Nous lisons en effet dans le Catéchisme de l’Eglise catholique (1992) :

 

« Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là ” la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ ” (DH 1). En évangélisant sans cesse les hommes, l’Église travaille à ce qu’ils puissent ” pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où ils vivent ” (AA 10). Le devoir social des chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme l’amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le culte de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église catholique et apostolique (cf. DH 1). Les chrétiens sont appelés à être la lumière du monde (cf. AA 13). L’Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines (cf. Léon XIII, enc. ” Immortale Dei ” ; Pie XI, enc. ” Quas primas “).