Le blog du Temps de l'Immaculée.
22/04/2025
Le texte de Philippe de Villiers du 18/04/25 dans le JDD est une critique virulente et passionnée du projet de loi sur l'euthanasie. Il développe plusieurs arguments clés pour étayer son opposition :
1. Violation du serment d'Hippocrate et confusion des rôles médicaux :
De Villiers met en avant l'incompatibilité fondamentale entre le rôle du soignant et celui de celui qui donne la mort. Il cite le professeur Philippe Juvin : « Demain, en entrant dans la chambre d’un patient, je ne veux pas être amené à croiser un regard de doute sur ce que je suis venu faire. »
Il rappelle la formulation sans ambiguïté du serment d'Hippocrate : « Tu ne tueras pas. »
Il dénonce une « rupture anthropologique inouïe » où « ce n’est pas à la médecine d’administrer la mort. La main qui soigne ne peut être la main qui tue. »
2. Risque de dérives et perte de contrôle, analogie avec la loi Veil :
De Villiers exprime une forte méfiance quant à la prétendue rigueur des conditions d'application de la future loi. Il établit un parallèle avec la loi Veil sur l'avortement, initialement présentée comme restrictive mais dont l'application s'est élargie avec le temps : « La loi Veil sur l’avortement se voulait très restrictive. Et puis, très vite, la digue a lâché. »
Il affirme que dans les pays ayant légalisé l'euthanasie, on pratique désormais le « geste létal » pour des motifs plus larges que ceux initialement prévus : « D’ailleurs, dans tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie, on pratique aujourd’hui le « geste létal » pour ceux qui ont « un p’tit truc en plus ». »
3. Instauration d'une société de la défiance et de la suspicion :
De Villiers anticipe une dégradation des relations sociales et interpersonnelles :
Défiance envers les soignants : La relation de soin, basée sur la confiance, serait compromise par le doute quant à l'intention réelle du médecin : « La qualité de cette relation ne peut souffrir aucun doute. »
Soupçons au sein des familles : La pensée d'avoir potentiellement influencé la décision d'euthanasie d'un proche créerait des divisions et des remords : « comment vivre avec la pensée d’avoir tué son père ou sa mère ? Le doigt pointé accusatoire divisera les familles. »
Suspicion envers les institutions (Ehpad) : Les établissements pourraient être perçus comme des lieux où la mort est administrée pour des raisons économiques : « L’ange de la mort rôdera dans tous les Ehpad. Les directeurs seront accusés de « faire de la régulation ». »
4. Motivation économique dissimulée derrière le projet de loi :
De Villiers rapporte les propos de l'ancien vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé, qui dénonce une arrière-pensée financière de l'État : « La mort administrée va permettre des économies sur les six milliards de l’Assurance maladie consacrée à la fin de vie. »
5. Manipulation sémantique et euphémisation du terme "euthanasie" :
De Villiers critique l'utilisation de termes édulcorés comme « loi de fraternité » (employé par Macron) pour désigner l'acte de tuer : « Macron a osé un oxymore, en appelant « loi de fraternité » l’acte de tuer son prochain. Nous sommes entrés dans la société de l’esquive et de l’euphémisation, où tout le monde apprend à mentir. »
Il révèle que le gouvernement aurait cherché une nouvelle sémantique pour éviter le mot « euthanasie », jugé trop négativement connoté : « Ils ne voulaient pas du mot, il est trop chargé. »
6. Lien historique et idéologique avec l'eugénisme :
C'est un argument central et alarmiste de De Villiers. Il établit un parallèle direct entre l'euthanasie et l'eugénisme, rappelant la loi allemande du 14 juillet 1933 : « historiquement, le mot « euthanasie » en appelle un autre, qui en est le prolongement naturel : l’eugénisme, c’est-à-dire l’élimination des êtres humains considérés comme surnuméraires par la société du moment. La loi allemande de 1933 a ainsi prévu l’aide active à mourir et la prévention de toute descendance atteinte de maladie héréditaire. Cette Allemagne-là reste la référence d’une grande politique de l’eugénisme qui élimine les vieux et les enfants handicapés. »
Il perçoit le projet de loi comme un retour en arrière, vers une logique de sélection et d'élimination des personnes jugées « imparfaites » ou « en trop » : « Ce qu’on nous présente comme un progrès l’était déjà en 1933, de l’autre côté du Rhin. La sélection eugéniste nous conduit sur le chemin de toutes les dérives, au nom du « vieillard parfait » et de « l’enfant parfait ». »
7. Inversion des valeurs morales et confusion entre soin et mort :
De Villiers dénonce une perversion du sens du Bien et du Mal : « Le sens du Bien et du Mal a été inversé – j’oserais même dire inverti. »
Il critique la présentation par Bayrou de deux lois (une pour soigner, une pour tuer) comme moralement équivalentes : « C’est une contorsion politicienne : on tient d’une main la seringue qui soulage et de l’autre la seringue qui occit ; la première main feint d’ignorer ce que fera la seconde. Comme si la mort administrée était le prolongement du soin. »
Il imagine la confusion et l'angoisse que cela engendrerait : « La seringue qui s’avance vers mon lit est-elle celle du baume oblatif ou de la mort administrative ? »
Pour Philippe de Villiers, la légalisation de l'euthanasie représente un basculement vers une « société barbare », fondée sur la défiance, la suspicion et une logique d'élimination inspirée par l'eugénisme. Il résume son opposition par une formule choc : « Car le principe même des deux lois, qui prône la vie et son contraire, porte un nouveau commandement : « Aimez-vous et tuez-vous les uns les autres. » » Son texte est un plaidoyer passionné pour le maintien d'une distinction claire et infranchissable entre le soin et la mort, et une mise en garde contre les dérives potentielles d'une telle législation.