Le blog du Temps de l'Immaculée.
01/12/2025
Au terme de sa vie publique, les disciples de JĂ©sus reprennent les paroles mĂȘmes des anges apparaissant aux bergers au moment de sa naissance. LĂ comme Ă la NativitĂ©, la proclamation de la royautĂ© de JĂ©sus est une louange et non pas une revendication. Tous les baptisĂ©s sont appelĂ©s, Ă la suite des anges et des disciples, Ă louer le Christ comme Ă©tant le roi. Le roi et pas simplement leur roi. Il est effectivement roi de lâunivers. Dans les jours oĂč nous faisons mĂ©moire de la publication, le 11 dĂ©cembre 1925, de lâencyclique Quas primas dans laquelle Pie XI instaure la fĂȘte du Christ-Roi, il est bon de mĂ©diter sur lâactualitĂ© dâune telle doctrine. Beaucoup dâĂ©lĂ©ments de celle-ci ayant dĂ©jĂ Ă©tĂ© enseignĂ©s cette annĂ©e, je me contenterai de relever ce que devient une sociĂ©tĂ© qui refuse explicitement de reconnaĂźtre la royautĂ© du Christ sur elle. En effet, la rĂ©ponse du Christ aux pharisiens peut se comprendre comme le dĂ©ploiement de la justice immanente. Autrement dit, si le Christ nâest pas reconnu positivement comme roi, sa royautĂ© se manifestera en creux, nĂ©gativement⊠mode paradoxal de son affirmation. Les « pierres » sont donc les Ă©vĂ©nements.
Lorsquâune sociĂ©tĂ©, comme la France, apostasie sa foi chrĂ©tienne, elle renonce Ă recevoir la mesure ultime de sa vie de Dieu. JĂ©sus est le Verbe fait chair et, Ă ce titre, il a tout en commun avec le PĂšre et « par suite la souverainetĂ© suprĂȘme et absolue sur toutes les crĂ©atures » (Quas primas, n° 5) La royautĂ© universelle du Christ repose donc sur lâunion du Verbe Ă la nature humaine.
Or « Dieu a tout créé par le Verbe Ă©ternel, son Fils bien-aimĂ©. Câest en Lui ââquâont Ă©tĂ© créées toutes choses, dans les cieux et sur la terreââ » (CEC, n° 291) La nature dans son ensemble et la nature humaine reçoivent leur consistance et leur bontĂ© de la Sagesse crĂ©atrice qui en est la source. Toute la dynamique de lâagir humain, individuel et collectif, est donc fondĂ© sur les grandes inclinations vers des biens fondamentaux, inclinations immanentes Ă la nature de lâhomme. Telle est ce que lâon nomme la loi morale naturelle. Nous comprenons ainsi quâune des modalitĂ©s essentielles du rĂšgne du Christ sur la sociĂ©tĂ© est le respect de la loi naturelle par le gouvernement, le lĂ©gislateur et le peuple. Que devient une sociĂ©tĂ© qui refuse explicitement de rendre un culte public Ă Dieu, et par lĂ de Le reconnaĂźtre comme le fondement ultime de toute autoritĂ© sociale et politique ? Cette sociĂ©tĂ© se coupe de sa source et plonge inĂ©luctablement dans lâinjustice systĂ©mique et le dĂ©sordre.
Notre rĂ©gime politique est fondĂ© sur un tel refus, Ă savoir le laĂŻcisme. Dire cela ne veut pas dire que le rĂ©gime antĂ©rieur Ă©tait parfait, loin sâen faut ! En effet, il ne suffit pas de reconnaĂźtre officiellement la royautĂ© du Christ pour que la sociĂ©tĂ© soit indemne de toute injustice. La royautĂ© sociale du Christ nâest pas encore lâavĂšnement plĂ©nier du Royaume de Dieu qui se rĂ©vĂ©lera Ă la fin des temps.
Le laĂŻcitĂ© maçonnique est synonyme de libre-pensĂ©e, câest-Ă -dire quâelle repose sur lâaffirmation de la souverainetĂ© absolue de la raison et de la libertĂ© humaines. Les lois permissives qui dĂ©ferlent depuis prĂšs de soixante ans ne sont que la consĂ©quence directe du refus de reconnaĂźtre la loi morale naturelle comme mesure du juste et du bien. Et ce refus a pour racine la volontĂ© politique de construire une sociĂ©tĂ© sans Dieu. La foi chrĂ©tienne, au mĂȘme titre que toutes les autres croyances ou options spirituelles, est cantonnĂ©e dans la sphĂšre privĂ©e ou associative. Tout ce qui relĂšve des institutions publiques doit ĂȘtre neutre religieusement et donc aussi Ă terme neutre anthropologiquement et moralement. Cette neutralitĂ© Ă©thique de lâEtat, rĂ©sultat logique de la laĂŻcitĂ© maçonnique, ne peut engendrer que le nihilisme libertaire. Il est urgent que les catholiques se libĂšrent de cette cage mentale pour honorer et promouvoir Ă temps et Ă contretemps le bien et le juste. Nietzsche, qui nâest certes pas un pĂšre de lâEglise, lâavait dit. Si « Dieu est mort », le monde humain est comme la Terre sortie de son orbite. Si au commencement nâest pas le Logos, alors tout est condamnĂ© Ă retourner au Chaos.
30/11/2025
Le texte de ce poĂšme reprend celui du beau chant dâentrĂ©e du quatriĂšme dimanche de lâAvent quâil utilise comme refrain : Rorate CĂŠli desuper et nubes pluant Justum (Cieux rĂ©pandez votre rosĂ©e, que des nuĂ©es descende le Juste, (câest-Ă -dire leSauveur).
La rĂ©fĂ©rence scripturaire de cet introĂŻt et de cette prose, câest le prophĂšte IsaĂŻe, qui est tout spĂ©cialement mis Ă lâhonneur pendanttout le temps de lâAvent. IsaĂŻe est par excellence le prophĂšte de lâEmmanuel, le prophĂšte du Dieu qui vient Ă notre rencontre, leprophĂšte de la consolation promise par Dieu Ă IsraĂ«l.
Le chant du Rorate CĂŠli est donc composĂ© dâun refrain et de quatre longs versets qui sâinspirent largement mais librement deplusieurs textes dâIsaĂŻe. Le poĂšte, en effet, sâest comme Ă©vadĂ©, libĂ©rĂ© de la littĂ©ralitĂ© du texte sacrĂ©, tout en sâen inspirant profondĂ©ment, mais en laissant Ă©galement passage Ă lâEsprit Saint, ce qui donne au final une Ćuvre originale de toute beautĂ©,relevĂ©e encore par la pure merveille de sa mĂ©lodie.
Ce chant nous parle au cĆur puisquâil parle du salut, puisquâil parle de Dieu qui nous sauve, puisquâil nous parle aussi dumystĂšre du pĂ©chĂ© et de la souffrance qui nous touche tous, puisquâil nous parle de lâexil dâici bas et de la nostalgie dâunbonheur sans fin qui nous est promis, puisquâil nous parle dâamour, cet amour passionnĂ© que Dieu ressent envers nous, nous qui sommes reprĂ©sentĂ©s dans le texte par Sion, la ville bien- aimĂ©e, comparĂ©e Ă une Ă©pouse, lâĂ©pouse de Dieu lui-mĂȘme.
Il peut ĂȘtre bon et nourrissant pour nos Ăąmes, en cette pĂ©riode de lâAvent, de relire quelques passages du prophĂšte IsaĂŻe quinous parlent de cet amour conjugal du Seigneur Ă notre Ă©gard, amour qui va se concrĂ©tiser dans la venue du Fils de Dieu dans lachair, par le ministĂšre virginal et maternel de Marie.
VoilĂ ce que dit IsaĂŻe au chapitre 62, versets 3 Ă 5 : « Tu seras une couronne brillante dans la main du Sei- gneur, un diadĂšmeroyal entre les doigts de ton Dieu. On ne te dira plus : DĂ©laissĂ©e ! Ă ton pays, nul ne dira : DĂ©solation ! Toi, tu seras appelĂ©e Ma PrĂ©fĂ©rence, cette terre se nommera LâĂpousĂ©e. Car le Seigneur tâa prĂ©fĂ©rĂ©e, et cette terre deviendra LâĂpousĂ©e. Comme un jeune homme Ă©pouse une vierge, ton BĂątisseur tâĂ©pousera. Comme la jeune mariĂ©e fait la joie de son mari, tu seras la joie deton Dieu. »
Lâauteur du Rorate CĂŠli est donc tout pĂ©nĂ©trĂ© de cette beautĂ© lumineuse des textes dâIsaĂŻe, quâil ne se borne pas Ă citer mot Ă mot, mais quâil vit littĂ©ralement, dans lâardeur de sa vie spirituelle, de sa propre expĂ©rience mystique. Et il nous invite Ă vivre Ă notre tour cette expĂ©rience du salut qui vient toucher notre existence dans lâacte mĂȘme de notre chant sâĂ©levant vers Dieu.
On peut maintenant proposer une traduction de ce texte magnifique :
Refrain
Et dâabord le refrain : « Cieux rĂ©pandez votre rosĂ©e, que des nuĂ©es descende le Juste » (IsaĂŻe 45, 8).
Il est Ă noter que ce qui semble de prime abord ĂȘtre une priĂšre ardente du Peuple de Dieu est en fait un ordre du Seigneur lui-mĂȘme dans le texte du prophĂšte : « Je suis le Seigneur, il nâen est pas dâautre : je façonne la lumiĂšre et je crĂ©e les tĂ©nĂšbres, je fais la paix et je crĂ©e le malheur. Câest moi, le Seigneur, qui fais tout cela. Cieux, distillez dâen haut votre rosĂ©e, que, des nuages, pleuve la justice, que la terre sâouvre, produise le salut, et quâalors germe aussi la justice. Moi, le Seigneur, je crĂ©e tout cela. »
Et cet ordre de Dieu sâadressant Ă sa crĂ©ation, devient pour nous une promesse, une promesse que lâĂglise, dans sa liturgie, etdonc dans nos Ăąmes, a su transposer dans le domaine du salut. La rosĂ©e qui vient des cieux, câest alors le Messie lui-mĂȘme,ou si lâon prĂ©fĂšre la Vierge Marie devenue mĂšre ; et la justice (le texte latin porte le juste, et le juste dans lâancien Testament, câest le saint) câest sĂ»rement le Christ, le fils de Marie qui est aussi le Fils bien-aimĂ© du PĂšre, le Sauveur.
Au fond, on peut penser que ce refrain, câest en rĂ©alitĂ© la rĂ©ponse divine Ă chacune des demandes exprimĂ©es dans les trois premiĂšres strophes(on verra que la qua- triĂšme strophe fait aussi parler le Seigneur.)
Il est vrai que la mĂ©lodie de rorĂĄte monte vers le ciel comme une priĂšre. Les deux interprĂ©tations se complĂštent admirablement : notre priĂšre rejoint lâintention divine de commander la descente du Verbe dans notre chair pour nous sauver du pĂ©chĂ©. Et de fait la mĂ©lodie redescend alors du sommet (le RĂ© aigu) comme pour par- courir la distance infinie qui sĂ©pare lemonde de Dieu de notre pauvre terre, jusquâau RĂ© grave sur justum qui dĂ©signe le Verbe IncarnĂ©, JĂ©sus, fils de lâhumbleMarie.
PremiĂšre strophe
Voyons maintenant la premiĂšre strophe :

Traduction : « Ne tâirrite pas Seigneur, ne garde pas le souvenir de nos pĂ©chĂ©s. Voici que la citĂ© du Saint (câest-Ă -dire Dieu qui rĂ©side dans le sanctuaire) est devenue dĂ©serte, Sion est devenue dĂ©serte, JĂ©rusalem une dĂ©solation, elle qui Ă©tait ta maison, le sĂ©jour de ta saintetĂ© et de ta gloire, oĂč nos pĂšres ont chantĂ© tes louanges. »
La rĂ©fĂ©rence, ici, de ce texte douloureux qui ressemble Ă une lamentation, câest IsaĂŻe 64, versets 8 Ă 10, et le texte du prophĂštesâachĂšve ainsi : « Peux-tu rester insensible Ă cela, Seigneur, te taire et nous humilier Ă lâexcĂšs ? »
Sion, dans lâinteprĂ©tation quâen fait la liturgie, câest tantĂŽt lâĂglise, tantĂŽt la Vierge Marie, tantĂŽt notre Ăąme elle-mĂȘme. En cettepĂ©riode trouble que nous traversons Ă bien des points de vue, dans la sociĂ©tĂ© comme dans lâĂglise, et dans les difficultĂ©s denotre vie spirituelle, nous pouvons nous appliquer ces versets poignants, demander pardon pour les pĂ©chĂ©s, les fautes quenous voyons en nous ou autour de nous.
Au plan mĂ©lodique, les quatre strophes sont bĂąties sur le mĂȘme modĂšle : il sâagit dâun simple rĂ©citatif qui monte du Fa initialpour aller sâaccrocher dâabord sur le La, non sans faire entendre rĂ©guliĂšrement le Sib, donc un demi-ton plein de tendresse etde supplication. Puis la mĂ©lodie monte jusquâau Do Ă partir du La, et le rĂ©citatif devient alors plus intense et se charge dâunebelle Ă©motion : câest le sommet de chaque strophe qui va toucher le RĂ© aigu, prĂ©cisĂ©ment ce RĂ© dâoĂč descend la mĂ©lodie de cĂŠlidans le refrain : notre priĂšre ardente touche le ciel qui rĂ©pond par la descente du Verbe.
Un apaisement se produit alors, et lastrophe, sans cesser dâĂȘtre une priĂšre douloureuse, revient au La et finit par se poser dans la paix et la confiance, sur le RĂ©grave qui correspond Ă celui de la finale du refrain : notre priĂšre est exaucĂ©e dans la venue du Juste, JĂ©sus, fils de Marie. Ces strophes si expressives dans leur simplicitĂ© quasi syllabique, sont donc pleines de sens jusque dans leur agencement mĂ©lodique.
DeuxiĂšme strophe
Voyons maintenant la deuxiĂšme strophe :

Traduction : « Nous avons pĂ©chĂ© et nous sommes devenus comme lâimmondice, et tous nous sommes tombĂ©s comme des feuilles mortes. Et nos fautes, comme un ouragan, nous ont emportĂ©s. Tu nous as cachĂ© ton vi- sage, et tu nous as brisĂ©s par la mainmĂȘme de nos iniquitĂ©s. »
Câest la strophe la plus consternante, celle qui dĂ©crit notre situation morale de pĂ©cheurs en des termes vi- goureux. Prendreconscience de son pĂ©chĂ©, mais sans jamais dĂ©sespĂ©rer, câest une grĂące, câest mĂȘme la grĂące de lâaurore du salut.
La rĂ©fĂ©rence scripturaire de cette strophe, câest encore IsaĂŻe, bien sĂ»r, et câest encore le chapitre 64, mais le compositeur estremontĂ© plus haut dans le texte sacrĂ© quâil cite toujours librement, pour y puiser ces mots douloureux, empruntĂ©s aux versets4 Ă 6 :
« Tu Ă©tais irritĂ©, mais nous avons encore pĂ©chĂ©, et nous nous sommes Ă©garĂ©s. Tous, nous Ă©tions comme des gens impurs, ettous nos actes justes nâĂ©taient que linges souillĂ©s. Tous, nous Ă©tions dessĂ©chĂ©s comme des feuilles, et nos fautes, comme levent, nous emportaient. Personne nâinvoque plus ton nom, nul ne se rĂ©veille pour prendre appui sur toi. Car tu nous ascachĂ© ton visage, tu nous as livrĂ©s au pouvoir de nos fautes.
La plus grande souffrance, et câest bien celle de notre Ă©poque, câest dâĂȘtre privĂ©e de la vue du visage de Dieu, câest-Ă -dire, de se heurter au silence du Seigneur qui sâest retirĂ© devant notre impĂ©nitence. Perdre de vue le visage dâamour de Dieu dans notre vie, câest synonyme de pĂ©chĂ©, et câest sâĂ©garer et ĂȘtre livrĂ© au triste pouvoir de ses fautes. Notre monde qui ne veut plus de Dieu vit cette pĂ©nible expĂ©rience. Avec la fin de cette strophe, on peut dire que nous sommes au plusprofond de la misĂšre humaine.
TroisiĂšme strophe
Vient alors la troisiĂšme strophe qui est celle de la priĂšre de supplication :

Traduction : « Vois Seigneur lâabattement de ton peuple et envoie celui qui doit ĂȘtre envoyĂ©. Envoie lâAgneau, souverain de lâunivers, quâil vienne du rocher du dĂ©sert vers la montagne de la fille de Sion, afin quâil ĂŽte le joug de notre captivitĂ©. »
Le cĆur de cette strophe, câest la demande de lâenvoi de lâAgneau, et lĂ encore le texte de rĂ©fĂ©rence est celui dâIsaĂŻe, au chapitre 16, verset 1 :
« Envoyez au maßtre du pays un agneau, depuis La Roche au désert, vers la montagne de la fille de Sion. »
Le compositeur a introduit au dĂ©but de sa strophe la parole du Seigneur sâadressant Ă MoĂŻse au dĂ©but du livre de lâExode(chapitre 3, versets 7 et 8) quâil transcrit sous forme de priĂšre en la faisant devenir notre propre cri de dĂ©tresse :
« Le Seigneur dit : « Jâai vu, oui, jâai vu la misĂšre de mon peuple qui est en Ăgypte, et jâai entendu ses cris sous les coups dessurveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le dĂ©livrer de la main des Ăgyptiens et le faire monter de cepays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. »
LâenvoyĂ© de Dieu sera MoĂŻse, mais MoĂŻse nâest que lâannonciateur du vĂ©ritable envoyĂ©, le Fils qui viendra nous sauver,lâAgneau de Dieu qui sera immolĂ© pour nos pĂ©chĂ©s et qui viendra ĂŽter de nos Ă©paules le joug de la captivitĂ©. Lâimage du joug est trĂšs prĂ©sente dans lâAncien Testament, et elle dĂ©signe toujours une forme dâesclavage. JĂ©sus la reprendra pour montrercombien son joug Ă lui, Ă lâinverse de celui du pĂ©chĂ©, est doux Ă porter et libĂ©rateur pour celui qui le porte (Matthieu, 11, 29) :
« Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cĆur, et vous trouverez le repos pour votre Ăąme. »
QuatriĂšme strophe :

Traduction : « Console-toi, console-toi, mon peuple, bientĂŽt viendra ton salut. Pourquoi te laisses-tu consumer par la tristesse, parce que la douleur se renouvelle en toi ? Oh mais je te sauverai, ne crains pas. Je suis le Seigneur, ton Dieu, le Saint dâIsraĂ«l, ton sauveur. »
Câest la rĂ©ponse du Seigneur Ă la demande ardente de son peuple, contenue dans les trois premiĂšres strophes, et cette rĂ©ponsenâest pas moins ardente que la demande. Il y a dans ce texte, Ă lui seul, une intensitĂ© poignante, une tendresse bouleversante. Et câest ici aussi que la mĂ©lodie vient Ă©pouser au mieux ce texte pour lui donner un surcroĂźt merveilleuxdâintensitĂ©, de proximitĂ© amoureuse, de confiance absolue, au sein de la plus entiĂšre dĂ©solation intime.
Ă travers ce chant, le Seigneur se penche sur toute souffrance humaine, il lui donne un sens, une issue, dans lâamour brĂ»lant quâil Ă©prouve pour ses crĂ©atures. Câest par excellence le chant de la consolation.
La rĂ©fĂ©rence scripturaire est prĂ©cisĂ©ment le dĂ©but du chapitre 40 du prophĂšte IsaĂŻe que lâon appelle justement le livre dela Consolation, parce quâil commence par ces mots quâa repris le compositeur :
« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cĆur de JĂ©rusalem. »
Le reste de cette strophe est une compilation de différents mots tous empruntés toujours au prophÚte Isaïe, mais épars dans sonlivre. Par exemple, Isaïe, 41, 14 :
« Ne crains pas (noli timere), Jacob, pauvre vermisseau, IsraĂ«l, pauvre mortel. Je viens Ă ton aide (salvabo te), oracle duSeigneur ; ton rĂ©dempteur, câest le Saint dâIsraĂ«l. »
Ou encore IsaĂŻe, 51, 14-15 :
« BientÎt il viendra (cito véniet), le prostré sera libéré, il ne mourra pas dans un cachot, et le pain ne lui manquera pas ! Moi, je suis le Seigneur, ton Dieu. »
Ce chant de lâAvent est un chant de dĂ©sir, un chant qui est tout chargĂ© de lâattente de lâhumanitĂ©, cette attente qui sâexprime Ă travers les nombreux « Viens », « Viens Seigneur JĂ©sus », de la liturgie de lâAvent. « Viens », nous sommes tous des mendiants de joie et de bonheur, des pauvres qui ont besoin dâaimer et dâĂȘtre aimĂ©s, des ĂȘtres assoiffĂ©s dâĂ©ternitĂ© et dâinfini.
Dieu vient combler cet abĂźme et le dĂ©border de toutes parts, par son amour, sa folie dâamour pour nous, qui le pousse hors de lui-mĂȘme, le force Ă quitter lâĂ©clat de sa lumiĂšre dans sa vie divine et Ă descendre jusque dans la rĂ©gion des tĂ©nĂšbres oĂč nousvivons, pour nous Ă©clairer, nous rĂ©chauffer, nous transformer au contact de ce feu dâamour qui nous touche.
Il y a tout cela dans le petit enfant de la crĂšche, petit ĂȘtre abandonnĂ© et sans dĂ©fense dans la jungle de lâhumanitĂ©, mais fort dâun amour qui ira combattre nos rĂ©sistances et nos haines jusque sur la croix. Cette rosĂ©e si dĂ©licate qui est venue rafraĂźchir notre humanitĂ© dessĂ©chĂ©e, câest la Vierge Marie qui lâa demandĂ©e et obtenue pour nous.
Ce chant est profondĂ©ment marial. Il nous parle aussi dupĂ©chĂ©, cette notion que lâon nĂ©glige tant dans nos vies aujourdâhui. Se reconnaĂźtre pĂ©cheur, câest accĂ©der au sens renouvelĂ© de Dieu et de son amour, câest appeler sur soi la misĂ©ricorde, câest obliger Dieu Ă ĂȘtre ce quâil est, un Dieu de bontĂ©, un Dieu quise penche, un Dieu qui se donne et qui donne tout avec lui, le salut, le bonheur, lâamour.
Un moine de Triors (via l'Homme Nouveau)
Une belle interprétation de Harpa Dei, un peu sirupeuse et qui en fera hurler certains, mais j'assume !
28/11/2025
Une année de confiance et de priÚre
Ă lâinstar du prĂ©cepte sabbatique, la prescription de lâannĂ©e jubilaire invite le peuple Ă©lu Ă la confiance et Ă la priĂšre. Sans commander dâĆuvres religieuses spĂ©cifiques, mais en demandant lâabstention de toute activitĂ© agricole (ensemencement, moisson, vendange) le Seigneur appelle IsraĂ«l Ă se reposer sur la bĂ©nĂ©diction promise pour la sixiĂšme annĂ©e (Lv 25, 21). LâannĂ©e commençait et se terminait dĂ©but automne (au moment de la fĂȘte des expiations : Yom Kippour), juste aprĂšs la fin des rĂ©coltes, avant les semailles, qui Ă©taient donc reportĂ©es Ă lâannĂ©e suivante.
Une année de grùce
Mais surtout, lâannĂ©e jubilaire Ă©tait une annĂ©e de « grĂące », câest Ă dire dâamnistie et de libĂ©ration : tous les cinquante ans, toutes les dettes, hypothĂšques et autres aliĂ©nations Ă©taient annulĂ©es, les servages affranchis. Chaque famille dâIsraĂ«l rentrait dans la possession du bien qui lui avait Ă©tĂ© historiquement Ă©chu lors de la grande rĂ©partition de JosuĂ©. Puisque chaque portion de sol agricole revenait Ă la famille qui la dĂ©tenait originellement, la propriĂ©tĂ© Ă©tait finalement inaliĂ©nable, puisquâelle avait Ă©tĂ© confiĂ©e en quelque sorte par Dieu. Le LĂ©vitique prĂ©voyait ainsi que les prix des transactions fonciĂšres soient fixĂ©s selon le nombre dâannĂ©es restant avant le jubilĂ©. Flavius JosĂšphe ajoute quâau moment de la rĂ©trocession des biens, vendeurs et acheteurs pouvaient convenir dâune indemnisation sur la base des dĂ©penses et des fruits de la propriĂ©tĂ©. En revanche, il semble que le jubilĂ© nâavait pas dâeffet dans les villes entourĂ©es de murs, oĂč les maisons pouvaient ĂȘtre dĂ©finitivement acquises, sauf celles des LĂ©vites.
La pratique du jubilĂ© dans le monde de lâAncien Testament
De nombreux passages de la Bible montrent lâimportance de la pratique du jubilĂ© Ă lâĂ©poque de la monarchie dâIsraĂ«l :
â « LâhĂ©ritage des enfants dâIsraĂ«l ne passera pas dâune tribu Ă une autre tribu, et les enfants dâIsraĂ«l sâattacheront chacun Ă lâhĂ©ritage de la tribu de ses pĂšres » (Nb 36, 4)
â « Si câest dĂšs lâannĂ©e du jubilĂ© quâil consacre son champ, on sâen tiendra Ă ton estimationâŻ; mais si câest aprĂšs le jubilĂ© quâil consacre son champ, le prĂȘtre en Ă©valuera le prix Ă raison du nombre dâannĂ©es qui restent jusquâau jubilĂ©, et il sera fait une rĂ©duction sur ton estimation. » (Lv 27, 16)
â « Si le prince fait un don Ă quelquâun de ses fils, ce don sera lâhĂ©ritage de ses filsâŻ; ils le possĂ©deront comme un hĂ©ritage. Mais sâil fait Ă lâun de ses serviteurs un don pris sur son hĂ©ritage, ce don appartiendra au serviteur jusquâĂ lâannĂ©e de la libĂ©ration ; puis il retournera au princeâŻ; câest Ă ses fils seulement que restera son hĂ©ritage. Le prince ne prendra lâhĂ©ritage de personne en lâexpulsant violemment de sa propriĂ©tĂ©âŻ; câest de sa propriĂ©tĂ© quâil donnera un hĂ©ritage Ă ses fils, afin que mon peuple ne soit pas chassĂ©, chacun de sa possession. » (Ez 46, 16)
Mais la loi nâest pas toujours respectĂ©e, puisque JĂ©rĂ©mie raconte comment les princes du temps de SĂ©dĂ©cias firent mine de lâappliquer, puis se dĂ©dirent : « La parole qui fut adressĂ©e Ă JĂ©rĂ©mie[343] de la part de Yahweh, aprĂšs que le roi SĂ©dĂ©cias eut fait un accord avec tout le peuple de JĂ©rusalem pour publier Ă leur adresse un affranchissement, afin que chacun renvoyĂąt libre son esclave et chacun sa servante, hĂ©breu ou hĂ©breuse, et quâil nây eĂ»t personne qui retĂźnt en servitude un JudĂ©en son frĂšre. Tous les chefs et tout le peuple, qui Ă©taient entrĂ©s dans cet accord, consentirent Ă renvoyer libres chacun son esclave et chacun sa servante, pour ne plus les retenir en servitudeâŻ; ils y consentirent et les renvoyĂšrent. Mais ensuite ils changĂšrent dâavis et firent revenir les esclaves, hommes et femmes, quâils avaient renvoyĂ©s libres, et les obligĂšrent Ă redevenir esclaves et servantes. » (Jr 34, 8-11)
Dans le Second livre des Rois, câest lâimpie Achab, Ă©poux de JĂ©zabel, roi dâIsraĂ«l, qui prend la vigne de Naboth, un bien inaliĂ©nable, et va jusquâĂ le tuer pour en obtenir la possession perpĂ©tuelle. Les prophĂštes avertissent ainsi contre ceux qui, au mĂ©pris de la loi du jubilĂ©, ajoutent maison Ă maison et champ Ă champ, dans une logique dâaccroissement perpĂ©tuel.
Il semble cependant que la pratique du jubilĂ© ne survĂ©cut pas aux temps de lâexil (du Royaume du Nord, en 722, puis du Sud, en 586) : il nâen est pas fait mention dans le livre de NĂ©hĂ©mie au moment oĂč ce dernier parle de lâannĂ©e sabbatique (Ne 10, 31). La notion dernier jubilĂ© demeura cependant profondĂ©ment inscrite dans les esprits, puisquâelle est mentionnĂ©e Ă plusieurs reprises par lâhistorien Flavius JosĂšphe Ă la fin du Ier siĂšcle de notre Ăšre[2]
Que veut dire « jubilé » ?
Au dĂ©but de lâautomne, lors de la cinquantiĂšme annĂ©e, lâouverture du jubilĂ© Ă©tait annoncĂ©e par le son dâune corne appelĂ©e yobel. Ce cor avait retenti en deux circonstances historiques exceptionnelles : au pied du SinaĂŻ, pour appeler le peuple Ă sâapprocher de la montagne de Dieu ; autour de JĂ©richo, lorsque les prĂȘtres terminĂšrent le dernier tour autour de la ville.
Le mot qui signifiait sans doute initialement « bĂ©lier », lâanimal dont la corne Ă©tait employĂ©e comme instrument, en vint par une suite de mĂ©tonymies Ă dĂ©signer la solennitĂ© que ce dernier annonçait, et mĂȘme lâesprit qui y Ă©tait associĂ©, puisque Flavius JosĂšphe conclut que le mot signifie au Ier siĂšcle « libertĂ© ».
De lâAncien au Nouveau Testament : prophĂ©tie et accomplissement
Le prophĂšte Daniel annonçait dans un oracle cĂ©lĂšbre[3] lâaffranchissement final dâIsraĂ«l au terme de soixante-dix semaines, soit dix pĂ©riodes jubilaires. Cette prophĂ©tie devait sâaccomplir 490 ans aprĂšs la reconstruction du Temple, lorsque le Seigneur y serait de retour.
Aux premiers temps de son ministĂšre public, de passage dans la synagogue de Nazareth, JĂ©sus fait la lecture du passage dâIsaĂŻe 61 qui annonce la venue du messie en utilisant les termes qui se rapportent Ă lâannĂ©e jubilaire : « LâEsprit du Seigneur est sur moi, parce quâil mâa consacrĂ© par son onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, et il mâa envoyĂ© guĂ©rir ceux qui ont le cĆur brisĂ©, annoncer aux captifs la dĂ©livrance, aux aveugles le retour Ă la vue, pour rendre libres les opprimĂ©s, publier lâannĂ©e favorable du Seigneur » (Lc 4, 18-19). Refermant le livre, JĂ©sus ajoute : « Aujourdâhui vos oreilles ont entendu lâaccomplissement de cet oracle » (Lc 4, 20). Il prĂ©sente ainsi sa mission comme un accomplissement de la prophĂ©tie jubilaire : une annĂ©e de grĂące et de libertĂ©, un affranchissement des liens du pĂ©chĂ©.
Conclusion
De la corne de bĂ©lier aux savants calculs dâhypothĂšque Ă la mode hĂ©braĂŻque, le concept de jubilĂ© nous plonge dans les racines de notre foi et jusquâau cĆur des pratiques de lâAncien Testament. Lorsque lâĂglise reprit lâinstitution jubilaire, elle nâentendit certes pas ressusciter toutes les modalitĂ©s pratiques de la loi ancienne : elle en conserva lâesprit, tel que le Christ lui-mĂȘme avait voulu le sanctifier en en faisant lâannonce prophĂ©tique de sa mission. En rĂ©alitĂ©, dans le monde du Nouveau Testament et pour le chrĂ©tien, chaque annĂ©e et chaque jour sont une « annĂ©e de grĂące pour le Seigneur », un temps de libĂ©ration et dâaffranchissement : nous vivons dĂ©sormais dans le temps de lâEsprit et de la PentecĂŽte[4].
Références
â1 Les auteurs dĂ©battent sur le fait de savoir si lâannĂ©e jubilaire Ă©tait la cinquantiĂšme annĂ©e, suivant donc immĂ©diatement lâannĂ©e sabbatique qui concluait la septiĂšme semaine, ou si les deux Ă©taient identifiĂ©es.
â2 Flavius JosĂšphe, AntiquitĂ©s JudaĂŻques, III, 12, 3.
â3 Dn 9, 24.
â4 La fĂȘte juive de la PentecĂŽte, placĂ©e, justement le cinquantiĂšme jour aprĂšs la PĂąque, le dĂ©part de la servitude, avait une vĂ©ritable tonalitĂ© jubilaire.
Abbé Paul Roy, FSSP
27/11/2025
Au dĂ©but du IVe siĂšcle, Ă©merge une menace mortelle pour le jeune christianisme, Ă peine sorti de la terrible pĂ©riode des persĂ©cutions romaines. NĂ© sous lâimpulsion dâun prĂȘtre dâAlexandrie, Arius, lâarianisme prĂ©sente aux chrĂ©tiens impĂ©riaux le visage sĂ©duisant dâun ascĂ©tisme philosophique, propre Ă nourrir les aspirations intellectuelles et spirituelles de la nature humaine (cf. FC n°âŻ3904 du 30âŻmai 2025). Et pourtant, cette doctrine, qui repose sur lâexagĂ©ration de principes fondamentaux de la religion ââŻlâĂ©ternitĂ©, la toute-puissance et la transcendance du dieuâŻâ, introduit une distorsion gravissime dans la foi chrĂ©tienne et le message rĂ©vĂ©lĂ©.
La divinité du Christ niée
En assĂ©nant sans nuance que la plĂ©nitude divine est incommunicable et que le Fils ââŻengendrĂ©âŻâ ne peut ĂȘtre lâĂ©gal du PĂšre, Arius dĂ©truit simultanĂ©ment les trois mystĂšres essentiels de la foi. La Sainte TrinitĂ© bien sĂ»r, puisque les personnes du Verbe et de lâEsprit ne peuvent plus ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme divines et partageant une unique substance avec le PĂšre. LâIncarnation ensuite, car le Christ nâest plus quâune crĂ©ature hors du commun. La RĂ©demption enfin, car les actes et le sacrifice de JĂ©sus sont alors loin dâavoir cette valeur salvifique infinie qui rachĂšte le pĂ©chĂ© du genre humain et toute la crĂ©ation avec lui. Une fois niĂ©e la divinitĂ© du Fils, le christianisme se trouve vidĂ© de sa substance.
Les divers courants de cette hĂ©rĂ©sie polymorphe ont profondĂ©ment fragilisĂ© les Ăglises dâOrient puis dâOccident au tournant de lâAntiquitĂ©, favorisant lâĂ©mergence de lâislam, qui apparaĂźt Ă bien des Ă©gards comme un ultime sursaut de la vieille rengaine arienne.
Pour le christianisme contemporain, lâarianisme peut cependant apparaĂźtre comme un enjeu du passĂ©, Ă peine digne dâĂȘtre remĂ©morĂ©, Ă lâheure des dĂ©fis de la sĂ©cularisation et de la nouvelle Ă©vangĂ©lisation.
Notre conviction est pourtant que lâerreur dâArius nâest jamais loin, au point que certains parlent encore avec raison de nĂ©o-arianisme ââŻcomme le cardinal Koch, prĂ©sident du dicastĂšre pour la promotion de lâUnitĂ© des chrĂ©tiens, dans un entretien au Tagespost en 2024.
Notre Ă©poque partage en effet avec lâantique hĂ©rĂ©sie ses racines rationalistes et gnostiquesâ: on y trouve en germe la rĂ©action de rejet face Ă toute forme de mystĂšre, la tentation de niveler toutes les vĂ©ritĂ©s surnaturelles en les mettant au niveau de notre propre raison, aplatissement qui favorise paradoxalement la recherche dĂ©sordonnĂ©e de spiritualitĂ©s Ă©sotĂ©riques et de voies religieuses de traverse.
Cette tentation rejoint les diffĂ©rentes formes contemporaines de dualisme, au terme duquel le corps et lâesprit sont deux principes antagonistes, le second Ă©tant attachĂ© au premier pour son malheur et tĂąchant par tous les moyens de sâen libĂ©rer.
Cette mentalitĂ© est dâabord nourrie par le rejet dâun matĂ©rialisme trop strictâ: le temps est loin oĂč lâon pensait que lâunivers et lâhomme nâĂ©taient que matiĂšre et pourraient ĂȘtre un jour entiĂšrement maĂźtrisĂ©s par les sciences. Elle sâalimente paradoxalement aussi par lâomniprĂ©sence des technologies et la fascination pour lâintelligence artificielle, sorte dâesprit terrestre surpuissant et sans corps, et par lâinfluence des spiritualitĂ©s orientalesâ: yoga, mĂ©ditation transcendantale⊠dans lesquelles on cherche Ă libĂ©rer lâĂąme des nĂ©cessitĂ©s corporelles.
Lâarianisme contemporain se retrouve encore, selon le cardinal Koch, dans une tendance Ă ne considĂ©rer le Christ que sous lâangle de sa nature humaine, Ă refuser de voir en lui le Fils Ă©ternel, vrai Dieu incarnĂ©, Ă refuser aussi de reconnaĂźtre comme divine lâĂglise fondĂ©e par lui pour prolonger auprĂšs de nous son action.
LâĂglise de 2025 face Ă la tentation arienne
Ces diverses tentations contemporaines sont-elles une vĂ©ritable rĂ©surgence du vieil arianismeâ? Elles constituent, quoi quâil en soit, un vrai dĂ©fi pour lâĂglise et posent la question de la vĂ©ritĂ© dogmatiqueâ: au siĂšcle du relativisme triomphant ââŻgrand thĂšme de combat de BenoĂźtâŻXVI,âŻâ peut-on encore dĂ©fendre le vrai contre le faux, est-on capable comme Athanase Ă NicĂ©e de se battre pour la vĂ©ritĂ©, au moins en idĂ©eâ?
Comme Ă NicĂ©e cependant, la tentation arienne peut ĂȘtre pour lâĂglise lâoccasion de retrouver son essence profondeâ: la meilleure rĂ©ponse au nivellement contemporain nâest-elle pas de reprendre conscience quâ«âŻĂ lâorigine du fait dâĂȘtre chrĂ©tien, il nây a pas une dĂ©cision Ă©thique ou une grande idĂ©e, mais la rencontre avec un Ă©vĂ©nement, avec une PersonneâŻÂ» (BenoĂźt XVI, Deus Caritas est), et que cette personne humaine et divine nous ouvre seule le chemin du Cielâ? Le christianisme, autrement dit, nâest pas autre chose quâun regard, une fascination pour le Christ, et la premiĂšre mission de lâĂglise est donc dâ«âŻannoncer lâĂvangile et tĂ©moigner de la personne de JĂ©sus-Christ dans toutes les parties du monde et jusquâaux extrĂ©mitĂ©s de la terreâŻÂ» (LĂ©onâŻXIV). Sans ce retour Ă un vrai christo-centrisme, le catholicisme contemporain risque de devenir une spiritualitĂ© fade et creuse parmi tant dâautres.
Ainsi, face Ă lâarianisme et Ă toutes les erreurs contemporaines, les catholiques cĂ©lĂ©brant le dix-septiĂšme centenaire de NicĂ©e pourraient se dĂ©courager et dĂ©sespĂ©rer de trouver une rĂ©ponse adĂ©quate. Que cet anniversaire soit donc lâoccasion de refaire de lâIncarnation du Verbe Ă©ternel le cĆur de notre prĂ©dicationâ: «âŻNotre Dieu sâest fait homme pour que nous devenions DieuâŻÂ» (saint Athanase, Sur lâIncarnation du Verbe).â
27/11/2025
La seule bonne nouvelle dans toute cette affaire, câest que la crĂšche est bel et bien installĂ©e depuis le 26 novembre sur la Grand-Place de Bruxelles, lâun des rares lieux publics oĂč le signe chrĂ©tien continue dâĂȘtre assumĂ© sans dĂ©tour. Et lâon aimerait la voir aussi sur la place de lâHĂŽtel-de-Ville Ă Paris, tĂ©moignage simple et courageux dâun hĂ©ritage chrĂ©tien assumĂ©. Rappelons cependant quâon ne reprĂ©sente pas la beautĂ© divine, ni le mystĂšre de la naissance du Christ, avec des chiffons. Non par mĂ©pris de la matiĂšre simple ou des moyens pauvres, mais parce que la crĂšche nâest pas un bricolage.
Elle est un signe donnĂ© au monde, un premier Ă©clat de la lumiĂšre de Dieu qui se laisse voir. Il ne sâagit pas dâun objet dĂ©coratif mais dâun lieu oĂč la foi contemple la tendresse de Dieu dans la fragilitĂ© dâun enfant. Utiliser des silhouettes informes de tissu revient non pas Ă exprimer la simplicitĂ© de NoĂ«l, mais Ă appauvrir le sens profond de cet Ă©vĂ©nement, Ă confondre pauvretĂ© matĂ©rielle et laideur symbolique, Ă oublier que le Dieu qui se fait proche demeure le Dieu de majestĂ©.
Des personnages de tissu sans visage, un patchwork de couleurs censĂ©es reprĂ©senter toutes les teintes de peau, une structure transparente qui Ă©voque davantage une installation dâart contemporain quâun lieu dâadoration, câest selon un membre de lâorganisation, âun mĂ©lange inclusif de toutes les couleurs de peau, pour que tout le monde sây retrouve.â
Depuis quand faut-il diluer le mystĂšre de NoĂ«l sous les apparences de la laideur pour le rendre acceptable par tous par seul soucis » de ne discriminer personne ? » La conceptrice de cette crĂšche ,Victoria-Maria Geyer, se justifie en expliquant » quâil y a eu une longue concertation avec lâarchevĂ©chĂ© de Bruxelles ».Oui, JĂ©sus est nĂ© dans une Ă©table, oui il a choisi la petitesse, le froid, la prĂ©caritĂ©. Mais cette pauvretĂ© nâa jamais Ă©tĂ© synonyme de laideur ou dâindignitĂ©. Sâil sâest fait proche des plus humbles, câest pour rĂ©vĂ©ler la beautĂ© de leur humanitĂ©, pas pour rĂ©duire le divin Ă une apparence confuse et sans visage. LâhumilitĂ© du Christ nâest pas la dĂ©figuration, la pauvretĂ© nâest pas lâeffacement et la discrimination de vient pas de la diffĂ©rence mais de lâintolĂ©rance.
Le Seigneur fait homme est nĂ© dans une famille juive, il Ă©tait Juif Lui-mĂȘme et son identitĂ© dâhomme ne peut ĂȘtre reniĂ© car câest lĂ que rĂ©side la vraie discrimination, dans la nĂ©gation dâune identitĂ©.
La crĂšche reprĂ©sentant la Sainte Famille a toujours cherchĂ© Ă montrer que la tendresse de Dieu sâoffre dans une lumiĂšre douce, dans une prĂ©sence identifiable, dans un visage dâenfant. Le priver de visage, câest contredire la rĂ©alitĂ© mĂȘme de sa venue parmi nous.
Il ne faut pas confondre lâabaissement volontaire de Dieu avec une nĂ©gation de sa majestĂ©. Il sâest fait pauvre pour nous rejoindre dans notre misĂšre, mais il reste celui dont les anges chantent la gloire divine. Dans la crĂšche, cette tension est toujours prĂ©sente : la paille et la gloire, la pauvretĂ© et la beautĂ©, la fragilitĂ© et la splendeur discrĂšte qui Ă©mane du Sauveur. ReprĂ©senter la Sainte Famille par des chiffons multicolores revient Ă dissoudre cette vĂ©ritĂ©. Ce nâest plus la crĂšche de BethlĂ©em, mais un symbole flou, interchangeable, neutre qui nâest plus porteur du mystĂšre divin.
LâinclusivitĂ©, lorsquâelle devient une idĂ©ologie, finit par avaler ce quâelle prĂ©tend protĂ©ger. Ă force de vouloir que chacun âsây retrouveâ, on gomme tout, jusquâĂ la singularitĂ© du mystĂšre cĂ©lĂ©brĂ©.
Une crĂšche chrĂ©tienne devient alors un signe vide. Elle nâannonce plus rien, elle nâĂ©voque plus personne, elle nâouvre plus aucun chemin spirituel. Elle ne tĂ©moigne plus de la venue dâun enfant, mais de la prudence dâune Ă©poque qui a peur dâaffirmer quelque chose de clair : La MajestĂ© de Dieu qui a rencontrĂ© la misĂšre humaine.
Pourtant, malgrĂ© tout, Bruxelles ose maintenir une crĂšche au cĆur de sa place principale. Dans un contexte europĂ©en oĂč tant de villes effacent peu Ă peu les symboles chrĂ©tiens par peur ou par calcul au motif de la seule laĂŻcitĂ© , cette simple prĂ©sence demeure une petite victoire . Et lâon aimerait sincĂšrement que Paris ait la mĂȘme audace, lâaudace tranquille de proposer une crĂšche Ă lâHĂŽtel-de-Ville, non pour imposer quoi que ce soit, mais pour rappeler un hĂ©ritage, une mĂ©moire, une espĂ©rance, celle de NoĂ«l.
Philippe Marie dans Tribune Chrétienne
26/11/2025
La PĂąque du Christ Ă©claire le mystĂšre de la vie et nous permet de le regarder avec espĂ©rance. Cela nâest pas toujours facile ni Ă©vident. Partout dans le monde, beaucoup de vies semblent difficiles, douloureuses, pleines de problĂšmes et dâobstacles Ă surmonter. Et pourtant, lâĂȘtre humain reçoit la vie comme un don : il ne la demande pas, il ne la choisit pas, il en fait lâexpĂ©rience dans son mystĂšre, du premier jour jusquâau dernier. La vie a une spĂ©cificitĂ© extraordinaire : elle nous est offerte, nous ne pouvons pas nous la donner nous-mĂȘmes, mais elle doit ĂȘtre nourrie constamment : il faut un soin qui la maintienne, la dynamise, la prĂ©serve, la relance.
On peut dire que la question de la vie est lâune des questions abyssales du cĆur humain. Nous sommes entrĂ©s dans lâexistence sans avoir rien fait pour le dĂ©cider. De cette Ă©vidence jaillissent comme un fleuve en crue les questions de tous les temps : qui sommes-nous ? DâoĂč venons-nous ? OĂč allons-nous ? Quel est le sens ultime de tout ce voyage ?
Vivre, en effet, implique un sens, une direction, une espĂ©rance. Et lâespĂ©rance agit comme une force profonde qui nous fait avancer dans les difficultĂ©s, qui nous empĂȘche dâabandonner dans la fatigue du voyage, qui nous rend certains que le pĂšlerinage de lâexistence nous conduit Ă la maison. Sans lâespĂ©rance, la vie risque dâapparaĂźtre comme une parenthĂšse entre deux nuits Ă©ternelles, une brĂšve pause entre lâavant et lâaprĂšs de notre passage sur terre. EspĂ©rer dans la vie, câest plutĂŽt anticiper le but, croire comme certain ce que nous ne voyons ni ne touchons encore, faire confiance et nous en remettre Ă lâamour dâun PĂšre qui nous a créés parce quâil nous a voulus avec amour et quâil nous veut heureux.
TrĂšs chers amis, il existe dans le monde une maladie rĂ©pandue : le manque de confiance dans la vie. Comme si lâon sâĂ©tait rĂ©signĂ© Ă une fatalitĂ© nĂ©gative, Ă un renoncement. La vie risque de ne plus reprĂ©senter une opportunitĂ© reçue en don, mais une inconnue, presque une menace dont il faut se prĂ©server pour ne pas ĂȘtre déçu. Câest pourquoi le courage de vivre et de gĂ©nĂ©rer la vie, de tĂ©moigner que Dieu est par excellence « lâamant de la vie », comme lâaffirme le Livre de la Sagesse (11, 26), est aujourdâhui un appel plus que jamais urgent.
Dans lâĂvangile, JĂ©sus confirme constamment sa diligence Ă guĂ©rir les malades, Ă soigner les corps et les esprits blessĂ©s, Ă redonner vie aux morts. Ce faisant, le Fils incarnĂ© rĂ©vĂšle le PĂšre : il restitue leur dignitĂ© aux pĂ©cheurs, accorde la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s et inclut tout le monde, spĂ©cialement les dĂ©sespĂ©rĂ©s, les exclus, les Ă©loignĂ©s, dans sa promesse de salut.
EngendrĂ© par le PĂšre, Christ est la vie et il a engendrĂ© la vie sans compter jusquâĂ nous donner la sienne, et il nous invite Ă©galement Ă donner notre vie. Engendrer signifie donner la vie Ă quelquâun dâautre. Lâunivers des vivants sâest Ă©tendu grĂące Ă cette loi qui, dans la symphonie des crĂ©atures, connaĂźt un admirable âcrescendoâ culminant dans le duo de lâhomme et de la femme : Dieu les a créés Ă son image et leur a confiĂ© la mission de donner la vie Ă son image, câest-Ă -dire par amour et dans lâamour.
DĂšs le dĂ©but, lâĂcriture Sainte nous rĂ©vĂšle que la vie, dans sa forme la plus Ă©levĂ©e, celle de lâĂȘtre humain, reçoit le don de la libertĂ© et devient un drame. Ainsi, les relations humaines sont Ă©galement marquĂ©es par la contradiction, jusquâau fratricide. CaĂŻn perçoit son frĂšre Abel comme un concurrent, une menace, et dans sa frustration, il ne se sent pas capable de lâaimer et de lâestimer. Et voilĂ la jalousie, lâenvie, le sang (Gn 4, 1-16). La logique de Dieu, en revanche, est tout autre. Dieu reste fidĂšle pour toujours Ă son dessein dâamour et de vie ; il ne se lasse pas de soutenir lâhumanitĂ© mĂȘme lorsque, Ă lâinstar de CaĂŻn, elle obĂ©it Ă lâinstinct aveugle de la violence dans les guerres, les discriminations, les racismes, les multiples formes dâesclavage.
Donner la vie signifie donc faire confiance au Dieu de la vie et promouvoir lâhumain dans toutes ses expressions : tout dâabord dans la merveilleuse aventure de la maternitĂ© et de la paternitĂ©, mĂȘme dans des contextes sociaux oĂč les familles ont du mal Ă supporter le poids du quotidien, souvent freinĂ©es dans leurs projets et leurs rĂȘves. Dans cette mĂȘme logique, donner la vie signifie sâengager pour une Ă©conomie solidaire, rechercher le bien commun dont tous puissent profiter Ă©quitablement, respecter et prendre soin de la crĂ©ation, offrir du rĂ©confort par lâĂ©coute, la prĂ©sence, lâaide concrĂšte et dĂ©sintĂ©ressĂ©e.
FrĂšres et sĆurs, la RĂ©surrection de JĂ©sus-Christ est la force qui nous soutient dans cette Ă©preuve, mĂȘme lorsque les tĂ©nĂšbres du mal obscurcissent notre cĆur et notre esprit. Lorsque la vie semble sâĂȘtre Ă©teinte, bloquĂ©e, voici que le Seigneur RessuscitĂ© passe encore, jusquâĂ la fin des temps, et marche avec nous et pour nous. Il est notre espĂ©rance.
25/11/2025
La grande enquĂȘte menĂ©e par lâIfop sur les musulmans de France nâen finit pas de faire des vagues. On ne sâĂ©tonnera pas que LibĂ©ration souligne que cette Ă©tude ait Ă©tĂ© particuliĂšrement reprise dans la presse conservatrice française, du Figaro au Point, en passant par le Journal Du Dimanche ou Valeurs Actuelles.
DĂšs le soir de sa publication, Jean-Michel Apathie sâempressait sur le plateau de Quotidien de dĂ©tricoter lâanalyse qui en Ă©tait faite par les mĂ©dias classĂ©s Ă droite. Il sâindignait du jeu dangereux qui consiste, selon lui, Ă exacerber sur les peurs et Ă stigmatiser les musulmans dans leur ensemble.
Quelque temps aprĂšs cette chronique, une Ă©ditorialiste Ă©conomie de lâĂ©mission 20h BFM, AmĂ©lie Rosique, se disait quant Ă elle terrorisĂ©e de la montĂ©e dans les prisons françaises des dĂ©tenus qui se rĂ©clament de lâintĂ©grisme⊠catholique. Ăvidemment, une telle sortie, par sa dĂ©connexion de la rĂ©alitĂ©, a suscitĂ© lâĂ©tonnement sarcastique de nombreux observateurs, ces derniers se dĂ©clarant trĂšs curieux de prendre connaissance du rapport sur lequel lâĂ©ditorialiste appuyait ses dires.
Le rĂ©tropĂ©dalage ne tarda pas Ă venir, puisque le 20 novembre, la journaliste de BFM sâexcusait sur X en avouant avoir « fait un raccourci hĂątif des conclusions du rapport de lâhistorien Nicolas Lebourg, ce qui a pu semer le trouble chez un certain nombre de nos tĂ©lĂ©spectateurs ». Lâon peine cependant Ă comprendre deux points, qui sont souvent partagĂ©s par les mĂȘmes personnes : la frousse devant un catholicisme de conviction et lâindiffĂ©rence â voire la bienveillance â devant un islam de plus en plus conquĂ©rant.
Comment en effet ne pas sâĂ©tonner devant le sentiment de terreur que semble susciter chez certains commentateurs une parole chrĂ©tienne authentique ? LâĂvangile vĂ©cue avec foi : voilĂ lâennemi ! Les fantasmes les plus fous, dignes des pires heures des hussards noirs de la RĂ©publique, surgissent Ă nouveau avec une agilitĂ© dĂ©concertante. Ă croire que ces derniers ne faisaient que sommeillerâŠ
Entendons-nous bien : on peut tout Ă fait, librement, refuser le dogme catholique et se fiche de sa âpremiĂšre communionâ comme de sa premiĂšre chemise. Mais quelle est cette Ă©trange construction de lâesprit qui permet dâĂ©voquer la montĂ©e de lâintĂ©grisme catholique dans les prisons sans craindre le ridicule ? Un tel dĂ©phasage ne fait pas quâinterroger, il est en soi lâaveu dâune mauvaise foi.
Il nây aurait du reste, quâĂ se plonger dans lâhistoire pĂ©nitentiaire pour dĂ©couvrir ce que le catholicisme produit lorsquâil est vĂ©cu de façon intĂ©grale derriĂšre les barreaux. Que provoque-t-il ? La conversion dâun Jacques Fesch, le dernier condamnĂ© Ă mort. Le tĂ©moignage bouleversant dâun AndrĂ© Levet, voyou multirĂ©cidiviste rattrapĂ© par le Christ au fond de sa cellule, « la plus grande cavale que jâai jamais effectuĂ©e, câest celle avec JĂ©sus », Ă©crira-t-il.
On pourrait encore citer les PoĂšmes de Fresnes de Brasillach qui tĂ©moignent combien une captivitĂ© vĂ©cue unie au Fils de lâhomme, lui-mĂȘme condamnĂ© Ă mort, donne un renouveau spirituel et un souffle dont personne de sensĂ© ne saurait raisonnablement sâinquiĂ©ter.
Dans son discours de clĂŽture de lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre des Ă©vĂȘques de France Ă Lourdes, dĂ©but novembre, le cardinal Aveline dressait justement les contours dâun chantier quâil lui semble important de mener : le combat de la raison.
En reprenant Ă son compte la tenue dâun dĂ©bat qui rĂ©unit, le 17 janvier 2004 Ă lâAcadĂ©mie catholique de BaviĂšre, le cardinal Joseph Ratzinger et le philosophe JĂŒrgen Habermas, lâactuel archevĂȘque de Marseille exprimait son souhait que les hommes de foi aient
« le courage de dĂ©noncer, grĂące Ă la raison, les pathologies de la religion, lorsque celle-ci prĂ©fĂšre la contrainte Ă la libertĂ©, et, dans le mĂȘme temps, dĂ©noncer, grĂące Ă la religion, les pathologies de la raison, lorsque celle-ci choisit dâignorer la dimension spirituelle de lâhumain ou cherche Ă la confiner dans lâespace privĂ© ».
Religion de lâamour, du pardon et du prochain, le catholicisme ne terrorise personne, il invite au contraire Ă la plus belle des libertĂ©s, la libertĂ© intĂ©rieure qui donne dâaccomplir le bien non sous la menace du bĂąton mais sous lâĂ©gide dâun saint nom : JĂ©sus.
Le deuxiĂšme point citĂ© plus haut concernait lâindiffĂ©rence â voire la bienveillance â devant un islam de plus en plus conquĂ©rant. LâĂ©ditorial de Riss dans le numĂ©ro du 12 novembre dernier de Charlie Hebdo aborde cette question.
Quâon mâexcuse par avance de le citer abondamment, mais il exprime avec prĂ©cision lâĂ©tendue du problĂšme :
« On honore la mĂ©moire du 13 Novembre alors que beaucoup de Français ont oubliĂ© lâattentat Ă la station de RER Saint-Michel, en 1995, ainsi que ses auteurs, Khaled Kelkal et son complice Boualem BensaĂŻd. (âŠ) Lâislamisme, câest comme le rĂ©chauffement climatique : on a beau disposer de toutes les informations sur le phĂ©nomĂšne, personne ne le combat efficacement. Au contraire, on nous incite Ă lâaccepter en nous y habituant. Contre les canicules futures qui rendront invivables les agglomĂ©rations bĂ©tonnĂ©es, on prĂ©conise de planter des arbres pour faire de lâombre. (âŠ) De la mĂȘme maniĂšre, contre lâislamisme qui attaque lentement les fondations de notre dĂ©mocratie aussi inexorablement que la montĂ©e du niveau des ocĂ©ans le fait avec le littoral, on suggĂšre des mesures dĂ©risoires. (âŠ) Ă lâimage des arbres quâon plante pour soi-disant lutter contre le rĂ©chauffement climatique, on dissimule notre trouille sous dâobscures circulaires administratives en pensant quâelles suffiront Ă nous protĂ©ger de la canicule islamiste ».
De fait, lâauteur de lâattentat du RER B, Boualem BensaĂŻd, avait dĂ©clarĂ© en 1995 : « OK, câest bon, moi jâai perdu, mais dâautres viendront, car ici nous sommes chez nous, vos femmes porteront le hijab, et on montera jusquâen Europe du Nord ». Pour Riss, la couardise gĂ©nĂ©ralisĂ©e est plus efficace que les kalachnikovs des attentats de janvier et de novembre 2015, de Toulouse et de Montauban en 2012, et de tous les autres attentats.
Ăviter le piĂšge de la frousse ou de lâindiffĂ©rence, câest faire le choix exigeant du rĂ©el : sâappuyer sur les faits, sâinspirer de lâexpĂ©rience du passĂ© et conserver dans son Ăąme une invincible espĂ©rance. Celle qui fait dire que le bien finit toujours par lâemporter quand il est dĂ©fendu, avec la grĂące de la foi et la puissance de la raison.
25/11/2025
Afin de financer elles-mĂȘmes les travaux dâisolation et de toiture, les religieuses se sont lancĂ© comme dĂ©fi de vendre une part importante de leur production de miels et de sirops, soit au moins 2 500 produits, avant le 30 novembre. En lien avec lâĂ©quipe Divine Box, elles proposent donc cinq parfums de miels diffĂ©rents, rĂ©alisĂ©s avec les apiculteurs de leurs environs, ainsi quâun sirop de thym, que tout un chacun peut se procurer aisĂ©ment sur le site Internet de Divine Box.
Les chanoinesses se sont donnĂ© jusquâau 30 novembre pour vendre leur produits. Les commandes seront donc expĂ©diĂ©es par la suite, pour une rĂ©ception avant NoĂ«l. Une belle idĂ©e de cadeaux ou de petit-dĂ©jeuner gourmand pour rĂ©galer ses proches pendant les vacances.
Pour voir et Ă©couter les chanoinesses prĂ©senter ce dĂ©fi un peu particulier, câest ici.
Pour commander : https://divinebox.fr/azille/
24/11/2025
De Gianluca Alimonti - NBQ
La « DĂ©claration sur lâintĂ©gritĂ© des informations relatives au changement climatique », signĂ©e lors de la COP30 Ă BelĂ©m, ressemble Ă un texte que George Orwell aurait rejetĂ© comme Ă©tant trop direct.
« Reconnaissant que lâurgence de la crise climatique exige non seulement une action dĂ©cisive des Ătats, mais aussi la large participation de tous les segments de la sociĂ©té⊠» Le document sâouvre sur cette invocation prĂ©visible de « lâurgence », cette formule magique Ă©culĂ©e qui cherche Ă suspendre la raison et Ă justifier tout ce qui se passe. Une urgence et une crise climatique qui ne se reflĂštent pas dans les sĂ©ries historiques dâindicateurs climatiques .
Les auteurs dĂ©clarent ĂȘtre : « PrĂ©occupĂ©s par lâimpact croissant de la dĂ©sinformation , de la mĂ©sinformation, du nĂ©gationnisme, des attaques dĂ©libĂ©rĂ©es contre les journalistes environnementaux, les dĂ©fenseurs des droits humains, les scientifiques, les chercheurs et autres voix publiques⊠» Traduction : Quiconque pose des questions gĂȘnantes sur les modĂšles climatiques, les incertitudes des donnĂ©es ou les Ă©checs politiques est dĂ©sormais coupable de « nĂ©gationnisme » â un terme empruntĂ© directement au lexique de lâhĂ©rĂ©sie religieuse.
Si ce n'Ă©tait qu'une simple bulle diplomatique , ce serait ridicule, mais cette dĂ©claration va plus loin. Elle appelle ouvertement les gouvernements Ă : « CrĂ©er et mettre en Ćuvre des politiques et des cadres juridiques⊠qui favorisent l'intĂ©gritĂ© des informations sur le changement climatique et respectent, protĂšgent et promeuvent les droits humains, notamment le droit Ă la libertĂ© d'expression⊠» Une contradiction choquante : comment peut-on « promouvoir la libertĂ© d'expression » tout en rĂ©digeant des lois pour dĂ©cider de ce qui est acceptable en matiĂšre d'expression ?
Bien sĂ»r, des enjeux financiers sont Ă©galement en jeu , et la DĂ©claration suggĂšre aux bailleurs de fonds de « faire un don au Fonds mondial pour lâintĂ©gritĂ© de lâinformation sur les changements climatiques, administrĂ© par lâUNESCO au nom de lâInitiative ». Cette mĂȘme UNESCO qui a passĂ© des dĂ©cennies Ă produire une propagande optimiste sur « lâĂ©ducation au dĂ©veloppement durable » se retrouvera dĂ©sormais Ă la tĂȘte dâun systĂšme mondial dâinformation, dĂ©cidant quelles informations sont dignes dâĂȘtre diffusĂ©es auprĂšs du public. Difficile dâimaginer une caricature plus flagrante des excĂšs bureaucratiques.
Comme toujours, toute tyrannie prĂ©tend dĂ©fendre la « vĂ©ritĂ© ». LâUnion soviĂ©tique emprisonnait des scientifiques qui remettaient en question le lyssenkisme, le tout au nom de la protection de « lâintĂ©gritĂ© scientifique ». Le clergĂ© actuel du climat ne fait pas exception.
Toute cette entreprise transpire l'incertitude. Si la science était aussi « établie » qu'on le prétend, pourquoi cette obsession à faire taire les critiques ? Pourquoi ces campagnes interminables pour « accroßtre la confiance du public » et « renforcer la confiance dans la science du climat » ? La véritable science accueille le scepticisme ; la propagande exige la foi, et c'est de la propagande.
L'invocation constante de la « confiance » et de l'« intégrité » relÚve du contrÎle , non de l'investigation. La véritable confiance se gagne par la transparence, le débat et les preuves, et non par décret. Nul besoin d'un « écosystÚme d'information » géré par l'UNESCO pour informer le public que l'eau bout à 100 °C. La censure n'est nécessaire que lorsque les « faits » sont trop fragiles pour résister à l'examen.
L'aspect le plus inquiĂ©tant de toute cette mascarade est peut-ĂȘtre que la DĂ©claration appelle les gouvernements Ă : « Promouvoir des campagnes de sensibilisation au changement climatique et soutenir les initiatives qui favorisent l'Ă©ducation au climat et le droit du public Ă accĂ©der Ă une information fiable sur le sujet . » En clair, cela revient Ă financer une propagande qui dicte aux citoyens ce qu'ils doivent penser, en qualifiant les opinions divergentes de « non fiables ».
L'ironie, bien sĂ»r, c'est que la soi-disant « dĂ©sinformation climatique » qu'ils cherchent dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă Ă©radiquer se rĂ©vĂšle souvent ĂȘtre une vĂ©ritĂ© gĂȘnante. Remettre en question la courbe en forme de crosse de hockey Ă©tait autrefois considĂ©rĂ© comme de la « dĂ©sinformation », jusqu'Ă ce qu'elle s'effondre sous l'effet de l'analyse. Souligner que les modĂšles climatiques ont systĂ©matiquement surestimĂ© le rĂ©chauffement climatique Ă©tait du « dĂ©ni ». Faire remarquer que les obligations en matiĂšre d'Ă©nergies renouvelables font grimper les coĂ»ts de l'Ă©nergie et dĂ©stabilisent les rĂ©seaux Ă©lectriques Ă©tait jugĂ© « dangereux », jusqu'Ă ce que des pannes de courant contraignent mĂȘme les gouvernements les plus favorables Ă revoir leur position.
Aujourd'hui, au lieu de corriger leurs erreurs , les instances dirigeantes du climat redoublent d'efforts, passant de la persuasion Ă la coercition. Leur message est simple : croyez-y ou taisez-vous. Le vĂ©ritable danger ne menace pas le climat, mais la libertĂ© elle-mĂȘme. Lorsque les gouvernements, les mĂ©dias et les instances supranationales s'entendent pour dĂ©terminer quelles opinions peuvent ĂȘtre exprimĂ©es, la science disparaĂźt. Ă sa place surgit une bureaucratie dogmatique, maĂźtrisant le langage du « dĂ©veloppement durable », de l'« intĂ©gritĂ© » et des « politiques fondĂ©es sur des preuves », mais totalement aveugle Ă son propre autoritarisme. Ce n'est pas de la science. C'est de la surveillance sous couvert de moralitĂ©.
23/11/2025
Et voici que maintenant on nous brandit un Pistorius, ministre allemand de la DĂ©fense de son Ă©tat, qui dĂ©clare sans ciller que ânous devons ĂȘtre prĂȘts pour la guerre d'ici 2029. Nous devons fournir une force de dissuasion pour Ă©viter que le pire ne se produise.â
Des fois quâon nâait pas compris, on nous invite Ă constituer un kit de survie suivant la documentation disponible sur le net et en mairies.
Attendez chers lecteurs, on nous en remet une couche (câest connu, le Français est obtus) Ă lâaide du chef dâĂ©tat-major le gĂ©nĂ©ral Mandon qui, sur commande, dĂ©clare benoitement au congrĂšs des maires de France que « ⊠si notre pays flanche parce qu'il n'est pas prĂȘt Ă accepter de perdre ses enfants parce qu'il faut tout de mĂȘme dire les choses⊠».
Des enfants, mon gĂ©nĂ©ral, nous en perdons ici, chez nous, et ne lâacceptons pas, parce que rien nâa Ă©tĂ© fait sur le plan politique pour les garder en vie. Le terrorisme islamiste est en roue libre : souvenons-nous, premier front, dâAnne-Lorraine, de Lola, de Philippine, dâElias et de Thomas, pour ne citer que ceux-lĂ , sans oublier le Bataclan, 130 morts et plus de 400 blessĂ©s. Combien dâagressions au couteau tous les jours ?
DeuxiĂšme front, lâislamo-gauchisme qui prĂŽne lâantisĂ©mitisme dĂ©complexĂ© et invite Ă brĂ»ler les Ă©glises. Que fait-on pour les calmer ?
TroisiĂšme front, le narcotrafic et le grand banditisme⊠AllĂŽ, mon gĂ©nĂ©ral, ĂȘtes-vous toujours lĂ ?
Oui, ça va, hĂ©las, ĂȘtre votre travail dâaller chercher les armes dans les caves, ici, chez nous !
Pour conclure, mon général, soyez certain que nos jeunes accepteront de mourir pour Arras.
Mais pas pour le Donbass.
Nicolas Machiavel, dans son Ćuvre Le Prince, nous a dit que « celui qui contrĂŽle la peur des gens devient le maĂźtre de leurs Ăąmes ». Nous sommes catholiques et nos Ăąmes sont Ă Dieu, nous nâavons donc pas peur, et dâailleurs Il nous dit : « Ne crains rien, car je suis avec toi ; ne promĂšne pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu ; je te fortifie, je viens Ă ton secours, je te soutiens par ma droite triomphante. » (IsaĂŻe 41:10)
Ah ! N'oubliez pas d'ajouter du bon café à votre kit de survie : c'est la base pour affronter n'importe quelle crise.
Haut les cĆurs !
ADDENDUM
Aujourd'hui justement, dans la Grande Interview de CNEWS, Sonia Mabrouk reçoit, lundi 24 novembre, StĂ©phanie Bonhomme, la mĂšre de lâadolescent Elias tuĂ© Ă coups de machette Ă Paris Ă lâĂąge de 14 ans il y a 10 mois. Elle Ă©voque le rĂ©cent rapport de lâInspection gĂ©nĂ©rale de la Justice sur la mort de son fils.
21/11/2025
Un long déclin démographique et une répression étatique
Autrefois nommĂ©e Asie Mineure, cette rĂ©gion fut le berceau du christianisme (saint Paul, concile de NicĂ©e, ĂphĂšse). Bien que la chute de Byzance en 1453 ait marquĂ© un premier coup, c'est au XXe siĂšcle que le dĂ©clin s'est accĂ©lĂ©rĂ©, notamment avec le gĂ©nocide des ArmĂ©niens, Assyro-chaldĂ©ens, Syriaques et Grecs pontiques Ă partir de 1915, qui a fait jusqu'Ă 2 millions de victimes. L'Ătat turc moderne nie ce gĂ©nocide, considĂ©rant toute remise en question comme une atteinte Ă la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure.
Pour l'Ătat, les chrĂ©tiens sont souvent perçus comme des ennemis intĂ©rieurs. Seuls les ArmĂ©niens et les Grecs orthodoxes sont reconnus comme minoritĂ©s par le traitĂ© de Lausanne (1923). Les autres communautĂ©s (assyriennes, catholiques, protestantes) n'ont pas de personnalitĂ© juridique, ce qui entrave leur capacitĂ© Ă possĂ©der des biens ou ouvrir des sĂ©minaires (comme celui d'Halki, fermĂ© depuis 1971).
Le double étau : Kémalisme et Islamisme
Le laĂŻcisme d'AtatĂŒrk n'a pas garanti une tolĂ©rance rĂ©elle ; dĂšs les dĂ©buts de la RĂ©publique, le nationalisme kĂ©maliste considĂ©rait l'islam comme un facteur d'unitĂ© et les chrĂ©tiens comme de potentiels agents de l'Ă©tranger. Des mesures vexatoires et des pogroms (comme celui d'Istanbul en 1955) ont accĂ©lĂ©rĂ© l'exode.
L'arrivĂ©e au pouvoir de l'AKP d'Erdogan, bien que parfois contradictoire, a ajoutĂ© une couche d'islamisation, notamment par l'augmentation des Ă©coles islamiques et l'intĂ©gration d'imams dans l'enseignement public. Le climat demeure hostile ; les chrĂ©tiens intĂ©riorisent leur infĂ©rioritĂ© et sont exclus de la fonction publique ou de l'armĂ©e. Les convertis sont baptisĂ©s discrĂštement et sont trĂšs isolĂ©s. L'abbĂ© Gabriel Ferone, ancien vicaire gĂ©nĂ©ral du diocĂšse dâIzmir, parle d'un « Ă©touffement » des chrĂ©tiens.
Un mince espoir
MalgrĂ© l'exode continu, l'Ăglise catholique latine, de nature non ethnique, offre une voie de conversion et peut compter sur l'Ă©mergence de sĂ©minaristes turcs, laissant entrevoir la possibilitĂ© d'un clergĂ© autochtone Ă l'avenir.
Dans ce contexte de pression intense et de délitement constant, la visite attendue de Léon XIV le 27 novembre est perçue comme un moment d'espoir. Les chrétiens de Turquie attendent du Pape qu'il rappelle au monde et au pouvoir turc que, malgré deux millénaires de persécutions et d'assimilation forcée, leur place est toujours sur cette terre qui est le berceau de leur foi.
Photo : La basilique Ste Sophie, basilique chrĂ©tienne depuis le IVĂš siĂšcle, a atteint sa forme actuelle au VIĂš siĂšcle. AprĂšs la prise de Constantinople par les armĂ©es ottomanes en 1453, elle est convertie en mosquĂ©e sous le sultan Mehmet II, statut qu'elle conserve jusqu'Ă la fin de l'Empire ottoman. En 1934, elle perd son statut de lieu de culte pour devenir un musĂ©e, sur dĂ©cision de Mustafa Kemal AtatĂŒrk, devenant l'un des musĂ©es les plus visitĂ©s de la rĂ©publique de Turquie. Puis le 10 juillet 2020, un dĂ©cret du Conseil d'Ătat turc dĂ©cide sa rĂ©ouverture au culte musulman comme mosquĂ©e, provoquant une vague de critiques internationales.
20/11/2025
Un article d'Ătiennette de la Ruffie met en lumiĂšre dans Famille ChrĂ©tienne cet essor Ă travers l'exemple de Laurent, un SuĂ©dois qui n'hĂ©site pas Ă faire des milliers de kilomĂštres pour participer aux sessions de chant Ă l'abbaye de Kergonan. Sa dĂ©couverte du grĂ©gorien lors d'une retraite fut un choc existentiel qui mena Ă sa conversion radicale. Il tĂ©moigne de l'immense pouvoir du premier psaume chantĂ© par les moines, qui l'a « complĂštement bouleversĂ© ».
Selon Anne Pouget, professeure laïque lors de ces sessions, le chant grégorien séduit de plus en plus de nouveaux profils, y compris des jeunes. Elle explique que ce chant est universel, car il « vous travaille intérieurement et procure la paix », ce qui explique pourquoi il « provoque de nombreuses conversions ».
FrĂšre Jean-Tugdual, co-organisateur, confirme la double dimension de cet enseignement : donner aux stagiaires les clĂ©s pour mieux chanter, mais surtout « façonner leur vie spirituelle ». Le grĂ©gorien, constitutif de l'identitĂ© du monastĂšre de la congrĂ©gation de Solesmes, est vu comme un trĂ©sor Ă cultiver et la « forme chantĂ©e de la priĂšre de l'Ăglise catholique romaine ». D'un point de vue spirituel, c'est avant tout un chant biblique qui dĂ©ploie la parole de Dieu, obligĂ© de « vibrer » pour exprimer sa largeur. MalgrĂ© sa difficultĂ© technique, les participants comme Laurent soulignent la richesse de se sentir « participants actifs de la liturgie », voyant dans le chant qui s'Ă©lĂšve vers Dieu une immense beautĂ©.
L'intĂ©rĂȘt croissant pour le chant grĂ©gorien, comme en tĂ©moigne le succĂšs des Rencontres grĂ©goriennes annuelles, rĂ©vĂšle un besoin profond d'intĂ©rioritĂ© dans notre sociĂ©tĂ©. Loin d'ĂȘtre une simple performance musicale, il est un « chant incarnĂ© » qui touche au plus profond de l'ĂȘtre. La beautĂ© et la vĂ©ritĂ© spirituelle de ce chant millĂ©naire continuent de rĂ©sonner, offrant un chemin de paix et de foi pour ceux qui s'y initient.
20/11/2025
Une famille amoureuse de la France
Au-delĂ des constructions intellectuelles, souvent brillantes et Ă©rudites, le prĂ©sident de ReconquĂȘte apparaĂźt fondamentalement comme un homme marquĂ© par une histoire bien particuliĂšre. Sa famille a accueilli lâentrĂ©e des troupes françaises dans Alger en 1830 comme une libĂ©ration du pesant statut de dhimmi imposĂ© par la Sublime Porte aux Juifs de lâEmpire ottoman. Reconnaissance portĂ©e Ă son paroxysme par le dĂ©cret CrĂ©mieux (24 octobre 1870) qui attribuait aux IsraĂ©lites dâAlgĂ©rie la citoyennetĂ© française, dĂ©niĂ©e aux populations indigĂšnes musulmanes. DĂ©sormais, entre les Juifs sĂ©farades dâAlgĂ©rie et la France câest une union Ă la vie Ă la mort comme en tĂ©moigne le fait quâen 1962 les 140 000 Juifs dâAlgĂ©rie quitteront quasiment tous le pays pour rejoindre la France ou IsraĂ«l. Ce » patriotisme incandescent » sâĂ©tait scellĂ© dans le sang du grand-pĂšre maternel dâEric Zemmour, officier français, blessĂ© dâun coup de couteau lors des Ă©meutes de SĂ©tif en mai 1945. ParallĂšlement Ă cet amour inconditionnel de la France la famille de notre auteur ne nourrit pas, et cela depuis des siĂšcles, un amour immodĂ©rĂ© pour un Islam qui lâavait rĂ©duite Ă un statut social infĂ©rieur.
Une connaissance approximative du catholicisme
Ce bref essai est la rĂ©ponse Ă la demande du directeur dâune revue amĂ©ricaine : First things demandant de rĂ©pondre Ă la question suivante : Comment sauver le catholicisme en Europe ? Logiquement lâauteur ne peut manquer de sâinterroger sur ce qui constitue, selon lui, lâĂąme et lâessence du catholicisme. Dâheureuses observations : « Le message Ă©vangĂ©lique se focalisa sur le salut de lâĂąme individuelle » ou « Saint Paul (mais pas que lui NDA) favorisa lâĂ©mergence dâun individu dĂ©veloppant un contact personnel avec la divinitĂ© » cohabitent avec de plus Ă©tranges considĂ©rations sur lâopposition artificielle et systĂ©mique créée entre lâEglise comme institution, hĂ©ritage de saint Pierre et de la synagogue et la religion intĂ©rieure, hĂ©ritage de saint Paul. Parler de « Jacques, frĂšre de JĂ©sus » nâest-il pas inutilement provocateur ? Quant Ă lâaffirmation selon laquelle : « La Loi nâimporte guĂšre, les Ćuvres nâimportent guĂšre, le salut ne vient que de JĂ©sus, fils de Dieu » notre auteur doit confondre le catholicisme avec le luthĂ©ranisme.
Une nouvelle Sainte-Alliance ?
Nonobstant ces approximations Eric Zemmour dĂ©nonce les complaisances de lâEglise post conciliaire, rongĂ©e par la repentance et la culpabilitĂ©, avec la submersion migratoire, en bonne partie de religion musulmane que subit lâEurope et ne craint pas de faire lâĂ©loge dâun « catholicisme viril » que ne renierait pas lâabbĂ© Raffray. Prenant acte des racines juives du christianisme notre auteur en appelle Ă une union des Juifs et des catholiques car « seule leur alliance peut sauver la France et lâEurope dâune inĂ©luctable et funeste islamisation ». Cette proposition soulĂšve de nombreuses questions. Tout dâabord nâest-il pas un peu rapide de prĂ©senter les Juifs comme une entitĂ© homogĂšne ? Zemmour note, en effet, que de nombreux Juifs ont jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant dans toutes les sanglantes rĂ©volutions bolcheviques en Europe de lâEst et en Russie et que de nombreux Juifs, en particulier ashkĂ©nazes, ont menĂ© en France depuis les annĂ©es 1970 une lutte acharnĂ©e contre toutes les tentatives de prĂ©server lâidentitĂ© française et de limiter les flux migratoires. Ensuite, lâauteur du suicide français tient sur la laĂŻcitĂ© des propos, certes cohĂ©rents avec son histoire personnelle : « Français dans la rue et Juif Ă la maison » lui rĂ©pĂ©tait sa mĂšre, mais tout Ă fait Ă©trangers Ă notre tradition nationale : « La seule solution est dâappliquer la laĂŻcitĂ© dans toute sa rigueur, toute la laĂŻcitĂ© Ă la française, celle qui prĂ©voit un « devoir de discrĂ©tion dans lâespace public » et qui doit donc interdire tout signe religieux comme le voile, non seulement Ă lâĂ©cole, mais aussi Ă lâuniversitĂ©, au travail dans la rue mĂȘme ». Emile Combes ou Jules Ferry ne pensaient pas autre chose : expulser la religion de la vie publique et la cantonner Ă la sphĂšre privĂ©e. Il sâagit ni plus ni moins que de la nĂ©gation de deux millĂ©naires dâhistoire de France. Interdire tout signe religieux dans la rue câest interdire les processions de la FĂȘte-Dieu et raser les calvaires. Ce nâest, bien sĂ»r, pas ce que souhaite Eric Zemmour mais câest nĂ©anmoins la consĂ©quence logique de ce quâil Ă©crit. Parce quâil nâa pas la foi notre auteur ne peut comprendre quâune expĂ©rience religieuse authentique demande aussi Ă sâexprimer dans la sphĂšre publique. La vie chrĂ©tienne ne peut se cantonner Ă la sphĂšre privĂ©e.
Le piÚge de la laïcité.
Contre la doxa largement dominante, Ă droite comme Ă gauche, il nous apparaĂźt que la laĂŻcitĂ© est Ă la fois un piĂšge et une trahison. Un piĂšge car elle est un athĂ©isme pratique qui conduit au nihilisme de la modernitĂ©, terreau sur lequel prospĂšre un Islam au pouvoir de sĂ©duction inentamĂ©. Une trahison de la vocation catholique de la fille aĂźnĂ©e de lâEglise qui ne peut accepter de voir la religion qui lâa portĂ©e sur les fonts baptismaux de Reims cantonnĂ©e aux foyers domestiques et aux lieux de culte. Eric Zemmour nâĂ©tant pas catholique il ne peut ĂȘtre accusĂ© de trahison, un catholique est cependant dispensĂ© de le suivre sur ce point. Enfin, comme vient dâopportunĂ©ment le rappeler Pierre Manent : « Pendant deux bons siĂšcles (âŠ) on a cru que lâon pouvait garder les vertus et les principes chrĂ©tiens sans la foi au Christ. Les esprits les plus lucides-je pense en particulier Ă Nietzsche- se sont aperçus que cela ne tenait pas : avec lâeau du bain il fallait jeter aussi le bĂ©bĂ© ». (Ecrits de Rome No 25- Novembre 2025) Un christianisme sans le Christ est Ă la fois un non-sens et une impasse. Rappelons au passage que la foi est un don gratuit de Dieu. Câest ce don que sollicitent pour Eric Zemmour les pieuses personnes qui lui offrent « des mĂ©dailles sacrĂ©es de la Vierge Marie » non pas pour lui « porter bonheur » mais pour contribuer Ă sa conversion, gage du salut.
Comment sauver le catholicisme en Europe ?
Comment sauver le catholicisme en Europe ? Ă©tait la question originellement posĂ©e. Dâabord en refaisant des catholiques. FidĂšles aux promesses de leur baptĂȘme, au dĂ©calogue- commun avec les Juifs- et aux BĂ©atitudes. Si Eric Zemmour semble avoir bien compris que les enjeux actuels sont, effectivement, des enjeux de civilisation et se rĂ©jouit du dynamisme du catholicisme traditionnel, il est Ă craindre quâil ne tire pas toutes les consĂ©quences logiques de ses analyses prĂ©liminaires. Sâil observe, justement, que « La jeunesse occidentale est la premiĂšre depuis deux mille ans Ă nâavoir reçu aucun hĂ©ritage religieux et quasiment aucun hĂ©ritage culturel » son mĂ©pris pour lâislam est, en partie, mal placĂ©. En effet, un musulman, dans sa version modĂ©rĂ©e et occidentalisĂ©e, a au moins le sens de la loi naturelle et du culte rendu Ă Dieu en justice. Câest dâailleurs de la faute des laĂŻcards de combat, largement dĂ©construits et dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s, si une partie de la jeunesse se jette dans les bras de lâIslam car on lâa dĂ©possĂ©dĂ©e des grandes questions mĂ©taphysiques et religieuses.
Eric Zemmour mĂ©rite notre reconnaissance pour le courageux combat quâil mĂšne au service de la France Ă©ternelle. Il mĂ©rite aussi nos priĂšres pour quâil ait le courage, et la grĂące, de mettre ses pas dans les traces de Jean-Marie Lustiger, VĂ©ronique LĂ©vy â la sĆur de Bernard-Henri -, Marcel Dassault ou Edith Stein. Ce sera certainement sa contribution la plus dĂ©terminante au sauvetage du catholicisme en Europe.
Jean-Pierre Maugendre
Source : Renaissance Catholique
19/11/2025
Il est peut-ĂȘtre Ă©mouvant mais tout Ă fait inefficace politiquement de rĂ©pondre Ă des terroristesâ: «âŻMon amour est plus fort que ta haine ne le sera jamais.âŻÂ» Et, pour le cas particulier du terrorisme islamique, la distinction islam-islamisme nâa aucun sens.
Ce que lâon appelle aujourdâhui islamisme nâest rien dâautre que lâislam des origines.
On peut inviter les musulmans Ă se dĂ©solidariser des terroristes, mais je persiste Ă ne pas comprendre au nom de quelle autoritĂ© ou de quelle compĂ©tence les dirigeants français (par ailleurs mĂ©prisĂ©s par le monde musulman, comme lâa abondamment montrĂ© lâincapacitĂ© de la France Ă faire libĂ©rer Boualem Sansal pendant un an) pourraient promouvoir telle lecture du Coran plutĂŽt que telle autre.
Mais, plutĂŽt que de redire une Ă©niĂšme fois ces choses (qui ne sont dâailleurs ignorĂ©es que des aveugles volontaires), je voudrais ici insister sur le fait que la bataille est dâabord culturelle.
Notre amie Ăvelyne Joslain a Ă©crit un excellent livre sur le sujet. Mais la guerre culturelle nâest pas rĂ©servĂ©e au monde anglo-saxon, ni aux intellectuelsâ: la semaine derniĂšre a montrĂ© Ă lâenvi que ceux qui prĂ©tendent nous diriger ont dĂ©jĂ fait allĂ©geance en esprit Ă nos ennemis. Or, câest dans la tĂȘte que commence la soumission. Et que commence la rĂ©sistance.
Deux romans au moins invitent Ă la dissidence mieux que bien des analyses scientifiquesâ: «âŻSoumissionâŻÂ» de Houellebecq et «âŻ1984âŻÂ» dâOrwell.
Le premier dĂ©crit un Occident sans espĂ©rance, engoncĂ© dans son consumĂ©risme. Câest sur ce nihilisme que lâislam prospĂšre. Une civilisation pour laquelle plus personne ne trouve de raison de mourir ne mĂ©rite pas de vivre â et qui accepterait de mourir pour des zones commerciales dâune laideur Ă faire peur ou les pseudo-libertĂ©s du wokismeâ?
Cette Ă©touffante grisaille sâaccompagne dâun flicage dont Orwell nâaurait pas pu rĂȘver et qui prend modĂšle sur lâune des pires tyrannies de lâhistoire de lâhumanitĂ©â: le communisme chiÂnois et son contrĂŽle social.
Que des dirigeants «âŻlibĂ©rauxâŻÂ» envisagent sans sourciller, pĂȘle-mĂȘle, la suppression de lâargent liquide (pour tracer tous les transferts financiers des citoyens), des ausweis sanitaires ou Ă©cologiques pour sortir de chez soi, ou encore lâinterdiction des mĂ©dias alternatifs pour imposer sans opposition leur post-vĂ©ritĂ© est littĂ©ralement glaçant. Et il est plus glaçant encore de voir les peuples obĂ©ir comme des moutons Ă lâabattoir.
Houellebecq et Orwell (parmi beaucoup dâautres, dont Sansal nâest pas le moindre, notamment pour son roman «âŻ2084âŻÂ», qui fait explicitement rĂ©fĂ©rence à «âŻ1984âŻÂ» et Ă la domination islamique) dĂ©crivent (hĂ©las) admirablement notre monde.
Je ne vois quâune façon de sortir de cette domination culturelle de lâislamo-gauchismeâ: rĂ©affirmer clairement et courageusement les fondements de notre civilisation chrĂ©tienne et rappeler que lâhomme est une crĂ©ature libre et responsable â et que le vieux fantasme saint-simonien de remplacer le «âŻgouvernement des hommesâŻÂ» par «âŻlâadministration des chosesâŻÂ» nous conduira inĂ©luctablement lâhumanitĂ© en enfer.
18/11/2025
Je suis toujours Ă©tonnĂ© de constater que, dans le monde moderne, les gens ont particuliĂšrement peur des mots. On ne semble plus craindre le pĂ©chĂ© ni la folie, mais seulement les malentendus. Et comme si cela n'Ă©tait pas assez clair : il n'existe pas de vĂ©ritĂ© qui ne puisse ĂȘtre mal comprise. La thĂ©ologie catholique romaine a toujours accordĂ© une importance extraordinaire au Christ comme unique Sauveur. C'est prĂ©cisĂ©ment pourquoi je n'ai jamais perçu de menace dans la maniĂšre dont on parle de Marie. La position du Christ est si absolue qu'il serait absurde de penser que quiconque puisse vĂ©ritablement l'Ă©clipser. CoopĂ©rer ne signifie pas rivaliser. Si Dieu s'est vĂ©ritablement fait homme, alors non seulement il s'est abaissĂ©, mais il s'est aussi rendu dĂ©pendant de l'obĂ©issance humaine : d'abord Ă Marie, puis aux apĂŽtres, et enfin Ă nous tous. Le cardinal Fernandez se trompe lourdement lorsqu'il affirme qu'il n'est plus conseillĂ© d'utiliser le titre de « Co-RĂ©demptrice » pour Marie.
Je ne vois donc rien d'injustifiĂ© Ă l'idĂ©e que Marie, dans une soumission totale et par grĂące, ait participĂ© Ă l'Ćuvre du Christ. Le terme « Co-RĂ©demptrice » n'est pas aussi choquant que certains le craignent. Et, franchement, si le cardinal Fernandez craint que l'on place Marie sur un pied d'Ă©galitĂ© avec le Christ, le problĂšme ne vient pas de Marie, mais de Fernandez. C'est prĂ©cisĂ©ment la prĂ©sence de Marie qui me rappelle que la foi chrĂ©tienne n'est ni une idĂ©e, ni une philosophie, ni un systĂšme moral, mais une histoire. La rĂ©alitĂ© concrĂšte de la coopĂ©ration de Marie Ă l'Ćuvre de notre rĂ©demption ne dĂ©coule pas d'une invention humaine, mais du fait que Dieu lui-mĂȘme a dĂ©cidĂ© d'agir par l'intermĂ©diaire d'un homme. Chaque Ă©tape de l'histoire du salut montre que Dieu n'agit pas malgrĂ© l'homme, mais par l'homme. Le « fiat » de Marie est le premier, et peut-ĂȘtre le plus clair, exemple de cette coopĂ©ration surnaturelle.
Lorsque l'Ăglise parle de Marie comme Co-RĂ©demptrice â un terme employĂ© avec ferveur par les saints et les papes â, cela ne signifie pas que ses mĂ©rites aient une valeur intrinsĂšque, ni qu'elle diminue la place unique du Christ. La Tradition signifie que, par une grĂące ineffable, elle est impliquĂ©e d'une maniĂšre incomparable dans l'Ćuvre du Christ. Cette doctrine a connu un certain dĂ©veloppement. Ce dĂ©veloppement ne signifie pas une modification du dogme, mais le dĂ©ploiement de ce qui Ă©tait toujours prĂ©sent en son sein. Il me semble que le titre de « Co-RĂ©demptrice » n'est pas une nouveautĂ©, mais la consĂ©quence d'une croyance ancienne : Marie, par la grĂące, a Ă©tĂ© l'instrument par lequel le Verbe s'est fait chair, et elle a participĂ© Ă l'Ćuvre de salut du Christ par la foi, l'amour et la souffrance.
Pendant des siĂšcles, le titre de « Co-RĂ©demptrice » a Ă©tĂ© inscrit paisiblement dans les pages de lâĂglise. Les saints nâemployaient pas ce terme par imprudence, mais par respect. Ainsi, saint Bonaventure parlait de Marie comme de celle qui « a ĆuvrĂ© avec le Christ Ă la rĂ©demption ». Bernardin de Sienne eut le courage de louer la coopĂ©ration de la Vierge avec le Fils, car il savait que coopĂ©ration ( co-operatio ) ne signifie pas Ă©galitĂ©. Les PĂšres de lâĂglise ne craignaient pas que les fidĂšles nâoublient le Christ dĂšs lors que Marie Ă©tait louĂ©e. Ils Ă©taient convaincus que chacun comprendrait cette distinction, comme on comprend celle qui existe entre le Soleil et la Lune.
Et les papes ? LĂ©on XIII parlait de Marie comme de celle « par qui nous avons reçu le MystĂšre de la RĂ©demption ». Pie X Ă©voquait son union unique avec le Christ dans sa souffrance. BenoĂźt XV employait des termes qui seraient considĂ©rĂ©s comme dangereux aujourdâhui : il qualifiait son combat sur la Croix dâ« presque Ă©gal » Ă celui du Christ â presque, je le rĂ©pĂšte, pas tout Ă fait Ă©gal, et seul un monde insensible ne percevrait pas la diffĂ©rence. Pie XI, pape rĂ©putĂ© pour sa fermetĂ©, alla mĂȘme jusquâĂ utiliser explicitement le terme « Co-RĂ©demptrice » dans un discours, comme si câĂ©tait la chose la plus naturelle au monde pour la MĂšre du Seigneur de porter un tel titre. Les saints et les papes ne craignaient pas que Marie ne devienne trop grande. Ils craignaient par-dessus tout que nous ne devenions trop petits.
Il est étrange que Fernandez veuille interdire un mot par crainte d'un malentendu. On s'attendrait à ce qu'il tente d'abord de le faire comprendre en l'expliquant simplement. Si quelqu'un dit qu'une carte est confuse, apprenez-lui à la lire. On ne déchire pas une carte en mille morceaux pour ensuite déclarer que la Terre est plate. Si vous dites qu'un terme théologique est dangereux, vous pourriez expliquer que « co » vient de « cum », « avec » ; ce n'est pas un terme de coordination. Il n'y a jamais eu de malentendu à ce sujet. Mais au lieu de cela, le préfet du DicastÚre pour la Doctrine de la Foi rend ce mot suspect.
Si Dieu n'a pas craint de donner Ă une jeune fille de Nazareth le titre de « MĂšre de Dieu », pourquoi hĂ©siterions-nous Ă lui accorder des titres plus modestes ? Les hĂ©rĂ©tiques de l'AntiquitĂ© s'indignaient de ce paradoxe divin, mais l'Ăglise, elle, ne s'en est pas offusquĂ©e. Qui peut imaginer une crĂ©ature plus humble que Marie ? Et pourtant, Dieu lui a donnĂ© un titre qui a bouleversĂ© l'univers. Cela prouve que Dieu se plaĂźt Ă faire naĂźtre la grandeur de l'humilitĂ©.
Le catholicisme est la foi qui nous enseigne que Dieu Ćuvre de concert avec les ĂȘtres humains. L'Ăvangile commence par une coopĂ©ration : un ange attend la rĂ©ponse d'un ĂȘtre humain, celui-ci dit « oui », et le ciel retient son souffle. Si cela n'est pas coopĂ©ration, alors le mot « coopĂ©ration » n'a pas de sens. Toute l'histoire de l'Incarnation est le triomphe de la coopĂ©ration voulue par Dieu entre le CrĂ©ateur et la crĂ©ature. Et si l'humanitĂ© â par Marie â a Ă©tĂ© associĂ©e Ă la venue du Sauveur, pourquoi ne l'a-t-elle pas Ă©tĂ© Ă son sacrifice sur la Croix, d'une maniĂšre entiĂšrement tributaire de la grĂące divine ? Il est plus facile et plus simple d'expliquer les grands concepts que de guĂ©rir une foi fragile. Convertir les gens au christianisme demeure une tĂąche immense. L'Ăglise n'a jamais voulu minimiser la vĂ©ritĂ© pour apaiser les hommes. Elle a toujours voulu les Ă©lever afin qu'ils puissent la supporter.
J'ose formuler quelques suggestions : 1) Enseigner le sens des mots au lieu de les rejeter. 2) La continuité ecclésiastique ne doit pas dépendre des sensibilités contemporaines. 3) Le paradoxe et la richesse du langage font partie intégrante de l'identité catholique. 4) Le rÎle de Marie n'est pas une menace pour le Christ, mais plutÎt une confirmation de son Incarnation et de son amour pour la coopération humaine.
+Rob Mutsaerts
Source: LifeSiteNews
Cet article a Ă©tĂ© initialement publiĂ© en nĂ©erlandais et se trouve sur le blog de l'Ă©vĂȘque Robert Mutsaerts, « Paarse Pepers ».
17/11/2025
Le rigorisme s'installe, marqué par la banalisation du port du voile, le rejet de la mixité et une conviction, non marginale, que la charia devrait prévaloir sur les lois de la République. La sympathie pour les mouvances islamistes vient compléter ce tableau préoccupant.
Cette situation, jugée inquiétante, est le résultat de décennies de laisser-faire, de lùcheté ou d'indifférence face à la nécessité de défendre fermement la laïcité et de valoriser l'héritage judéo-chrétien de la France, dont le recul coupable du catholicisme a laissé un vide. Quarante ans aprÚs les premiÚres affaires du voile, la société française continue de tergiverser sur les limites de la tolérance.
Mener la bataille culturelle et spirituelle qui s'impose est d'autant plus difficile que le rapport de force est déséquilibré. Toute critique se heurte immédiatement à l'accusation d'islamophobie, de réactionnarisme ou de racisme, amplifiée par les réseaux sociaux.
Le dĂ©fi est exacerbĂ© par le cynisme politique d'une partie de la gauche. Par pur clientĂ©lisme Ă©lectoral, cette frange, symbolisĂ©e par Jean-Luc MĂ©lenchon et La France insoumise, a choisi de se faire l'alliĂ©e de l'islam radical. Estimant que le jeune musulman victime de discrimination est le nouveau "prolĂ©taire", cet Ă©lectorat primo-votant est considĂ©rĂ© comme un carburant stratĂ©gique pour les Ă©chĂ©ances Ă©lectorales futures. L'appel Ă l'« insoumission » et Ă l'affichage de drapeaux palestiniens aprĂšs le 7 octobre 2023 illustre cette dĂ©rive, oĂč l'ancien « grand bouffeur de curĂ©s », aprĂšs avoir Ă©tĂ© enfant de chĆur, finit par flatter une mouvance religieuse rigoriste, trahissant les principes historiques de la gauche.
La France est Ă un carrefour : confrontĂ©e Ă un rigorisme religieux croissant et Ă un opportunisme politique dĂ©complexĂ©, elle va enfin comprendre que le modĂšle de sociĂ©tĂ© issu de la RĂ©volution est ... rĂ©volu. Le vieux peuple gaulois qui a abandonnĂ© son Dieu ne sait plus oĂč il habite et se couchera quand les conquĂ©rants se lĂšveront. Il n'y aura pas de guerre civile.
Le combat qui vient est hautement et seulement spirituel. Et sous le régime islamique, le califat qui vient, si Dieu le veut et suscite des ùmes, une grande conversion se produira comme en témoignent déjà les prémices, et notre "nation prédestinée" comme l'a qualifiée St Pie X se lavera de ses souillures.
Sursum Corda ! C'est le temps de l'Immaculée !